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JESUS LE TROISIEME TEMPLE


28ème dimanche ordinaire – Année C – 13 octobre 2019
Évangile de Luc 17, 11-19

28ème dimanche ordinaire – Année C – 13 octobre 2019 – Évangile de Luc 17, 11-19
MAQUETTE DU TEMPLE DE JERUSALEM AU TEMPS DE JESUS
Vers – 960: le roi Salomon, fils de David, construit le Temple dont le coeur, “le Saint des Saints”, contient l’Arche d’Alliance avec les Tables de la Loi ( 1 Rois 8). Aucun vestige n’a été retrouvé à ce jour.

- 587: le roi Sédécias ayant refusé de payer son tribut de vassal, Nabuchodonosor prend Jérusalem et détruit le temple. Une partie du peuple est déportée à Babylone ( 2 Rois 25)

- 538 : Cyrus, roi de Perse, bat les Babyloniens, permet le retour des exilés et la construction d’un nouveau temple (le 2ème), bien plus modeste que l’ancien. On ne parle plus de l’Arche (disparue ?). (Esdras 1)

- 169 : le roi de Syrie, Antiochus IV, veut imposer l’hellénisme: il profane le temple qui devient un lieu de culte païen.

- 164 : Révolte des Maccabées. Judas Maccabée purifie et reconsacre le temple. Evénement célébré par la fête de Hanoukka (2 Macc 10)

- 20 : le roi Hérode, criminel et scélérat, décide l’agrandissement et le renouvellement de ce 2ème temple. Les travaux dureront jusque dans les années 60.

-------- de – 6 à l’an 30: vie de Jésus.

Août 70: la révolte juive est écrasée par le général romain Titus. Le temple est incendié et rasé.

7ème siècle: invasion de l’Islam. Construction sur l’esplanade de la mosquée El Aqsa et de la Coupole. Le mont du temple est considéré comme impur par les Juifs.

Des extrémistes juifs rêvent de construire le troisième temple suite à l’intervention du Messie.

“Vous êtes le temple de Dieu et l’Esprit de Dieu habite en vous…
Quant au fondement, nul ne peut en poser un autre que celui qui est en place: Jésus Christ”

(SAINT PAUL - 1 Cor. 3, 16-11 – Année 54 ?)

ÉVANGILE DE LUC 17, 11-19

JESUS LE TROISIEME TEMPLE


Le “Jerusalem Post” aurait titré en gros - “ Miracle ! Des lépreux guéris” - un long reportage pathétique avec photos et interviews des personnages.

L’historien critique d’aujourd’hui, quant à lui, reste très sceptique sur l’historicité d’un événement sur lequel on ne fournit aucun témoignage précis: lieu, jour et heure, noms des personnes. Par conséquent, il se demande s’il ne s’agit pas d’une légende.

La dame catéchiste, elle, raconte la scène de l’évangile aux enfants et en tire une leçon de morale: “Mes enfants, il faut toujours bien dire merci à ceux qui vous font du bien”.

Monsieur Dupont, pratiquant moderne, se demandait comment on allait lui expliquer cet évangile mais, pas de chance: le célébrant n’a pas fait l’homélie car il devait expliquer l’organisation des catéchismes.

Réduit à un événement spectaculaire ou légende suspecte, moralisé, escamoté, l’Evangile n’est plus une Bonne Nouvelle qui éclaire, interpelle et change la vie. Et vous vous demandez pourquoi la pratique dominicale tombe en chute libre ?


DES LEPREUX RENCONTRENT JESUS

Luc est le seul à raconter cette scène et il l’introduit en répétant pour la troisième et dernière fois: “Jésus marchait vers Jérusalem”. Ce n’est pas anodin. Nous en avons été prévenus: Jésus n’est pas un pèlerin ordinaire qui, avec le peuple, va célébrer la fête de la Pâque. Il monte avec l’intention de dénoncer l’hypocrisie des prélats, de purifier le culte du temple tel qu’il est célébré. Il s’ensuivra évidemment colère et haine des notables. Celui qui va se présenter comme un prophète sinon comme un Messie sera considéré comme un blasphémateur abominable et dangereux qu’il faut supprimer. Jésus ne cherche pas la mort mais la vérité. Il aura les deux. Mais ainsi, par amour, il sauvera les hommes de la lèpre mortelle du péché.

Quelque part, tout à coup, un groupe de dix lépreux vient à sa rencontre. En ces temps anciens, on appelle lèpre toute maladie de peau aux symptômes graves: des taches apparaissent et, en dépit des soins, elles se répandent sur tout le corps, suppurent, provoquent inflammations et douleurs, éveillent la souffrance, abîment et défigurent les apparences. Et surtout elles sont contagieuses. Les personnes atteintes suscitent l’effroi, elles sont soupçonnées d’être punies par Dieu,donc “impures” donc chassées de la famille et de la société: elles sont exclues, rejetées, tenues de signaler leur présence afin d’éviter tout contact.

Si le malade donne un jour des signes de guérison, il est tenu de se rendre au temple de Jérusalem où des prêtres qualifiés pour cet office vérifieront son état et lui imposeront tous les rites de purification. Le chapitre 24 du Lévitique donne tous les détails.

“Les dix lépreux s’arrêtent à distance et crient : “Jésus, maître, prends pitié de nous”.


Ils ont entendu parler de ce guérisseur de Galilée mais il n’est pour eux qu’un “maître”, un grand prédicateur doué de dons thérapeutiques et ils croient qu’il peut intervenir pour eux.

Luc avait déjà raconté qu’un lépreux avait lancé ce cri à Jésus et celui-ci, sur le champ, l’avait guéri d’un mot (5, 12). Or, ici, curieusement, Jésus répond: “Allez vous montrer aux prêtres”…sans les guérir ! Il exige de ces pauvres une démarche de foi beaucoup plus profonde: faire confiance totale, espérer, sans preuves tangibles, qu’ils vont être guéris et qu’ils pourront donc ensuite se montrer aux prêtres du temple.

Sans réplique, sans rien exiger, les hommes obéissent et se dirigent vers la capitale. Et, en effet: “En cours de route, ils furent purifiés” ! La promesse de Jésus s’est réalisée.


ALLER AU TEMPLE OU ALLER A JESUS ?

Que se passe-t-il ensuite? Emerveillés de constater leur subite guérison, tous les hommes se pressent vers le temple pour le constat et rendre grâce à Dieu par les rites. Tous sauf un !

“ L’un d’eux, voyant qu’il était guéri, revint sur ses pas en glorifiant Dieu à pleine voix et il vient se jeter face contre terre aux pieds de Jésus en lui rendant grâce. Or c’était un Samaritain.
Jésus lui demande: “Est-ce que tous les 10 n’ont pas été purifiés ? Et les 9 autres, où sont-ils ? On ne les a pas vus revenir pour rendre gloire à Dieu: il n’y a que cet étranger !”
Jésus lui dit: “Relève-toi et va: ta foi t’a sauvé”


Il faut relire attentivement ce récit de Luc.

Donc cet homme, avec stupeur et émerveillement, constate tout à coup, en même temps que les autres, qu’il est guéri. Mais tandis que les autres s’empressent vers Jérusalem pour faire, dans le temple, les rites de purification prescrits par le Lévitique, celui-ci éclate en bruyantes actions de grâce envers Dieu, seul capable de réaliser la guérison de la lèpre, et, faisant marche arrière, il retourne vers Jésus et l’adore en se prosternant devant lui et en lui rendant grâce (verbe grec: eucharistein !!).

Au lieu d’aller adorer et remercier Dieu dans le temple de Jérusalem qui est sa demeure sacrée, il vient l’adorer aux pieds de son guérisseur. Jésus est substitué au temple ! Venir faire “eucharistie” à ses pieds remplace les rites de purification !

Or ce dixième homme était un samaritain, un habitant de la région centrale d’Israël qui s’était jadis séparée de la Judée du sud et où on avait même construit un temple rival de celui de Jérusalem – d’où les guerres entre les deux royaumes.

On pense tout de suite à la célèbre scène racontée par Jean où Jésus, au puits, rencontre la femme samaritaine qui l’interroge: “Vous, les Juifs, vous dites qu’il faut adorer Dieu à Jérusalem; chez nous on dit qu’il faut l’adorer ici sur cette montagne”. Et Jésus lui répond: “Crois-moi, femme, désormais ce n’est plus ni ici ni là qu’il faut aller pour trouver Dieu. L’heure est venue où les vrais adorateurs adoreront Dieu en Esprit et et en Vérité” (Jean 4).

Comme la femme, l’ancien lépreux reçoit une révélation qui bouleverse toutes les conceptions antiques: Dieu n’est plus dans une maison mais dans un homme. Il ne faut plus se déplacer à Jérusalem, à Samarie, au Gange, à La Mecque…Il n’y a plus de lieux sacrés où Dieu serait davantage présent.

En effet Jésus dit à l’homme: “RELEVE-TOI: TA FOI T’A SAUVE”.

Tu m’avais interpellé comme “un maître”, tu m’avais supplié comme un guérisseur. En revenant non pas simplement me remercier mais me rendre grâce dans l’adoration, tu as accédé à la foi.

Et si tu es purifié de la maladie, tu es sauvé par ta foi en moi. “Relève-toi”: c’est le verbe qui sera employé à la Résurrection de Jésus.

La scène prend du coup une profondeur extraordinaire.

Au départ, il y avait l’humanité malade qui criait son malheur, pleurait pour obtenir la santé et bâtissait des lieux sacrés pour y prier le Dieu mystérieux et invisible.

Maintenant, ceux qui ont la foi comprennent
  • que la véritable lèpre est celle du péché, car la convoitise, la haine, la rage du pouvoir rongent l’humanité, dissolvent les relations et détruisent le monde par la contagion.
  • qu’il ne faut plus localiser Dieu en des lieux rivaux qui suscitent rivalités.
  • que le mal qui nous défigure peut être guéri en adorant Dieu en Jésus.
  • que notre quête de la santé nous oriente vers le don du “salut”.
  • que ce salut est relevailles, résurrection qui nous permet de vivre (“Va…”), portés par l’espérance d’une Vie toujours nouvelle.
  • Et que finalement le véritable temple, c’est le Christ, Saint des Saints, Corps unique dont nous sommes les membres.
Mais tout cela n’a été possible que parce que Jésus, contrairement à ce Samaritain, est monté jusqu’à Jérusalem. Il a voulu purifier le temple devenu maison de trafic, a dénoncé l’hypocrisie du culte, est devenu du coup un dangereux blasphémateur, a été méprisé et condamné. Tel un rebut, tel un lépreux, il a été éliminé et cloué sur une croix.

Mais son amour sans failles, sa miséricorde infinie lui a permis d’entrer dans la Demeure éternelle où, comme un fils, il a été accueilli par son Père.


CONCLUSION

Lorsque Luc écrit ce texte (dans les années 80-85), Israël est effondré. L’armée romaine a écrasé la révolte, détruit la ville et incendié le temple. Plus aucune possibilité de célébrer le culte, de pratiquer les rites de pardon et de purification. Les prêtres (Cohen…) sont réduits à l’impuissance car il n’y avait liturgie qu’en cet endroit sacré…..qui, au septième siècle, sera conquis par l’Islam et reste le lieu sacré musulman interdit à Israël. Sera-t-il un jour possible d’édifier un troisième temple ? Seuls quelques extrémistes juifs y croient.

Luc et les chrétiens, eux, savent que ce troisième et définitif temple est bâti: c’est Jésus, qui a offert sa vie pour purifier et sauver tous les croyants, qui est ressuscité et s’agrège les disciples du monde entier.

“ Détruisez ce temple, je le relèverai en trois jours” disait-il et Jean de commenter: “ Il parlait de son Corps” (Jn 2, 19). C’est pourquoi Paul pouvait affirmer aux chrétiens de Corinthe: “Nous avons été baptisés dans un seul Esprit pour être un seul Corps, esclaves ou hommes libres…Vous êtes le Corps du Christ, vous êtes ses membres, chacun pour sa part” (1 Cor 12,13-27).

Frère Raphaël Devillers, dominicain

CONSTRUIRE LA FRATERNITE
HOMELIE DE Mgr AUPETIT, ARCHEVEQUE DE PARIS
Aux obsèques du Président Jacques CHIRAC - Eglise St Sulpice 30.09. 2019

CONSTRUIRE LA FRATERNITE

“ …C’est donc une tradition ancestrale de l’Église de prier avec bienveillance et dans l’espérance pour ceux qui nous gouvernent. Si nous prions pour ceux qui sont chargés de nous diriger c’est parce qu’ils ont la responsabilité du bien commun, de chacune des personnes et de l’ensemble de la communauté afin que tous puissent atteindre leur plein épanouissement. Ce n’est donc pas une prière facultative pour nous, c’est une obligation qui tient à l’amour du prochain.

Nous le savons aussi, le bien commun n’est pas l’intérêt général car celui-ci peut supporter le sacrifice et l’oubli du plus faible.

Le président Jacques Chirac avait axé sa campagne de 1995 sur le thème de la fracture sociale, portant ainsi son regard sur ceux qui restent sur le bord de la route. Aujourd’hui encore, certains se ressentent comme exclus. Un des rôles de l’Église est de construire la fraternité, cette fraternité qui constitue un des trois piliers de notre République et qui permet d’édifier une véritable unité entre nous. Cette fraternité est évidente pour les chrétiens puisqu’elle se réfère à l’unique Paternité de Dieu. C’est au nom de cette Paternité que Dieu, dès le commencement de l’humanité fracturée, demande à Caïn qui vient de tuer son frère Abel : « Qu’as-tu fait de ton frère » ?

L’attention aux plus petits, aux plus faibles, aux laissés-pour-compte est une caractéristique du christianisme. Nous l’avons entendu dans cet évangile choisi par la famille : « J’avais faim, tu m’as donné à manger, j’avais soif, tu m’as donné à boire, j’étais nu et tu m’as habillé, j’étais un étranger, tu m’as accueilli, j’étais malade et tu m’as visité, j’étais en prison et tu es venu jusqu’à moi ».

Il y avait chez notre ancien président, cet homme chaleureux soutenu par son épouse Bernadette, un véritable amour des gens. Aussi à l’aise dans les salons de l’Élysée qu’au Salon de l’agriculture, beaucoup en le rencontrant se sentaient considérés. Son amour pour sa famille était profond et, bien que pudique, chacun a pu percevoir la tendre compassion qu’il avait pour la vulnérabilité de sa fille Laurence.

Cette attention aux plus faibles a une raison plus profonde encore que la délicatesse de l’affection. Jésus dit « Ce que tu fais aux plus petits d’entre les miens c’est à moi que tu le fais ». C’est en raison de l’étincelle divine qui réside dans notre humanité, que toute personne, du commencement de sa vie à la conception, jusqu’à sa mort naturelle, est appelée à être aimée et respectée.
Cela nous oblige à un changement de regard qui doit aller bien au-delà des apparences et des postures qui caractérisent nos sociétés humaines. Dieu voit le fond du cœur, il convient de se mettre à son école. En effet, les gestes que nous posons vis-à-vis d’un frère en humanité vont bien au-delà de l’entourage et de la dimension sociale et politique, car ils passent par le Christ et, par lui, atteignent les autres jusqu’aux extrémités du monde.

« Gouverner c’est prévoir » cette célèbre citation d’Émile de Girardin, le président Jacques Chirac l’a illustré à plusieurs reprises. En septembre 2002, lors du Sommet de la Terre, avant la prise de conscience écologique forte d’aujourd’hui, il avait dit : «Notre maison brûle et nous regardons ailleurs».

De même, en février 2001, au forum mondial des biotechnologies, il avait vu la nécessité d’une conscience éthique : « Face à l’importance des enjeux et à la rapidité des progrès, il est essentiel que les avancées de la science s’accompagnent partout d’une conscience démocratique et d’une réflexion politique et morale aussi large que possible ».

Enfin, lorsque la France pouvait être engagée dans une guerre injuste et dangereuse pour l’équilibre mondial, il a su librement se démarquer des pays amis qui voulaient entraîner notre patrie dans une aventure imprudente.

Puisse-t-il être entendu aujourd’hui sur tous ces sujets.


PRESENTER TOUT DEFUNT A LA MISERICORDE DE DIEU

Mais si nous sommes ici, si nous célébrons cette messe de funérailles demandée par la famille et, je le crois, par tout le pays, c’est pour présenter cet homme à la Miséricorde de Dieu. Saint Paul nous l’a redit dans la première lecture : « Dieu veut que tous les hommes soient sauvés ». Si tous les hommes « naissent libres et égaux en droit », on sait aussi qu’ils ne naissent pas forcément égaux dans la réalité de leur existence. Tout dépend de la façon dont ils sont accueillis, acceptés, aimés et des conditions dans lesquelles émerge leur jeune vie.

En revanche, la mort est bien le lieu commun de notre humanité et, au fond, l’égalité véritable de notre condition humaine.

Saint Jean de la Croix, ce grand mystique espagnol, nous l’avait révélé : « Au Ciel nous serons jugés sur l’amour ». Si nous présentons notre ancien président à Dieu avec tant de confiance, c’est parce que nous savons que seul l’Amour peut juger l’amour.
Le Christ, Jésus de Nazareth, nous a révélé l’immensité de cet amour de Dieu qui dépasse infiniment nos connaissances expérimentales et nos capacités intellectuelles de connaître l’au-delà du réel qui nous entoure.

Pour finir, je voudrais citer cette phrase du président Chirac, tellement d’actualité, qu’il a prononcée pour la visite du Pape saint Jean-Paul II en 1980 : « C’est en ces lieux, sous le commandement des tours de Notre-Dame, à portée de la chapelle où Saint-Louis a honoré la Passion, au pied de la Montagne sainte-Geneviève où flotte encore le souvenir de l’antique bergère de Nanterre, patronne de la capitale, sous le regard de la prestigieuse Sorbonne où tant de docteurs ont enseigné, c’est en ces lieux que la France sent le plus fortement battre son cœur ».

Les événements récents et dramatiques survenus à Notre-Dame nous ont montré combien cette intuition était vraie. Adieu et merci M. Chirac.

Mgr Michel Aupetit,
archevêque de Paris

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