header2

4ème dimanche de Pâques Année C – 12 mai 2019
Évangile de Jean 10, 27-30

BREBIS DE JÉSUS …
MOUTONS DE PANURGE ?

4ème dimanche de Pâques – Année C – 12 mai 2019 – Évangile de Jean 10, 27-30

LE COURAGE DU REFUS

Cette photo est une des plus célèbres du 20ème siècle.

Le 13 juin 1936, lors du lancement d’un navire-école à Hambourg, la foule allemande effectue le salut nazi. Tous sauf un qui ostensiblement reste les bras croisés. Comme l’officier du bord inférieur, il doit pourtant savoir qu’on les photographie.

Il s’agit d’AUGUST LANDMESSER, un ouvrier de 26 ans, dont le mariage avec une femme juive a été refusé en application des Lois de Nuremberg.

Comme ils continuent à vivre en couple, il est interné un temps au camp de concentration. Son épouse sera elle aussi arrêtée et finalement internée au camp de Ravensbrück. On présume qu’elle a été exécutée au centre d’euthanasie en 1942. August, remis en liberté, est embauché en usine puis incorporé à l’armée. Il a dû mourir sur le front de Croatie en octobre 1944.

Une de leurs filles a publié un livre où elle raconte l’histoire et identifie son père sur la photo.

(cf sur Wikipedia : «August Landmesser »)

Le courage de refuser de suivre un mauvais pasteur, un Führer haineux.
Oser se démarquer de la foule. Ne pas être un « mouton de Panurge ».
Ah si tout un peuple avait osé … !



ÉVANGILE DE JEAN 10, 27-30

BREBIS DE JÉSUS … MOUTONS DE PANURGE ?

Le petit père du peuple, le führer fou, le duce macaroni, le grand timonier… : en ce 20ème siècle barbare, combien en avons-nous vu se lever de dictateurs qui prétendaient faire le bonheur de leur peuple et l’ont conduit au désastre. Ils connaissaient les chemins de la grandeur et ont entraîné le monde dans l’abîme. Ils se disaient inspirés et désintéressés et camouflaient leur passion du pouvoir et leur avidité financière. Ils parlaient des heures et hypnotisaient les foules béates.

Nous critiquons les hommes de ce temps de s’être laissé abuser aussi facilement, de n’avoir pas décelé des mensonges aussi massifs. Mais nous-mêmes aujourd’hui ne sommes-nous pas aussi crédules ? Nos maîtres n’usent pas de la force violente mais ils ont autant de pouvoir pour nous séduire. Destinations de rêve, placements en toute sécurité, nouveau gadget indispensable, spectacles « qu’il faut » avoir vu, émissions immanquables, vêtements dernier cri, films culte : les slogans de l’insidieuse publicité nous matraquent avec une puissance colossale. Nous nous en moquons mais ils font mouche. C’est tendance…et nous les valons bien. Oserons-nous nous démarquer ?

Lorsque Jésus affirme : « Je suis le Bon Pasteur » et qu’il nous appelle à devenir « ses brebis », il ne s’agit pas d’une image d’Epinal aux couleurs pastel. Cette prétention est si peu anodine que ses ennemis cherchent tout de suite comment le tuer. Et lorsque des hommes décident de répondre à son appel, ils entrent dans un chemin difficile où ne manqueront jamais ni sarcasmes ni souffrances.

Voici quelques notes pour méditer ce court extrait du chapitre 10 de Jean lu aujourd’hui. Apprenons à creuser toute phrase, tout mot des Ecritures. Le fond est inépuisable.


JE SUIS LE BON PASTEUR.

Car il est unique. Et il n’y en aura pas d’autre. Ni dans l’Église ni dehors. Il est bon car, pur de toute duplicité et de tout égoïsme, il ne parle et n’agit que par amour. Amour de son Père et amour de ses brebis. Amour qui va jusqu’au don total de sa vie, à l’acceptation du supplice le plus horrible. Sa croix torpille tous les fantoches, abat les idoles.


MES BREBIS ÉCOUTENT MA VOIX

Jésus n’use pas de subterfuge, il ne ruse pas pour obtenir des voix, il ne recourt guère aux miracles de crainte de s’imposer, il ne flatte pas, ne fait pas de fausses promesses. Il parle la langue de son peuple. Non comme un tribun pour s’affirmer ni comme un savant pour éblouir. Il s’expose dans sa parole. Comme un homme libre qui s’adresse à des hommes libres. Il ne compte pas les adhésions, ne racole pas les hésitants.

Chacun est libre d’écouter ou de tourner le dos, de s’ouvrir ou de se fermer, d’admirer puis d’oublier, d’adhérer puis de s’enfuir.
La foi naît de la Parole. Ecoute Israël : c’est la confession de foi fondamentale. Ecouter n’est pas entendre. C’est s’arrêter, fixer son attention, scruter chaque mot, ne jamais dire qu’on a compris. L’Evangile n’est pas un souvenir de catéchisme, un code, un règlement, une menace : c’est une Parole, une Voix. Un lecteur veut savoir : un croyant écoute et répond.


JE LES CONNAIS ET ELLES ME SUIVENT

Le verbe « connaître » ne se réduit pas à un savoir : « qui est celui-là ? quel est son nom, sa profession ? ». La première page de la Bible dit : Et Adam connut Eve. La connaissance de Jésus dépasse toutes les apparences, elle est union, intimité, confiance, amour. Elle est « co-naissance » : Jésus et les siens renaissent dans la rencontre, dans le vivre-ensemble.

Le disciple qui est connu et qui connaît n’est pas un membre d’une organisation, un nouvel inscrit sur un registre. La foi n’a rien de statique. Le Bon Pasteur guide, va de l’avant, montre le chemin et le disciple ne le reste que s’il suit. C’est-à-dire si la Parole le fait bouger, si elle l’entraîne. La brebis cesse de s’imaginer qu’elle sait comment être heureuse : elle s’en remet à son guide et elle fait tout pour lui obéir.

Certes elle fait sans arrêt l’expérience de sa faiblesse, elle ne résiste pas toujours à l’attrait de suivre son propre chemin, elle se laisse entraîner par des voix enjôleuses qui promettent un bonheur plus facile, plus immédiat. En ce cas, toujours elle fera l’expérience du piège. Il lui reste à appeler de toutes ses forces et son Berger surviendra toujours non pour la punir mais pour la guérir et la ramener dans le troupeau.


JE LEUR DONNE LA VIE ÉTERNELLE

Il ne s’agit pas d’abord pour le disciple de faire pénitence, de gagner des mérites, d’acquérir toutes les vertus. Mais de recevoir. De s’émerveiller de recevoir ce qu’il nous sera toujours impossible de saisir : la Vie divine. Don gratuit qu’aucun acte d’héroïsme ne peut mériter. Don qui n’est pas une promesse d’avenir que nous obtiendrions comme prix de notre bonne conduite mais don immédiat qui ouvre à la profondeur de l’existence.

Don qui n’est pas récompense d’une morale mais qui la provoque et l’exhausse. Don qui permet d’instaurer entre disciples une relation fraternelle : « Ce prochain a la Vie divine ». Don qui nous autorise à nous aimer en pensant : « Je suis la demeure de Dieu »


JAMAIS ELLES NE PÉRIRONT. PERSONNE NE LES ARRACHERA DE MA MAIN…ET PERSONNE NE PEUT RIEN ARRACHER DE LA MAIN DU PÈRE

Des prédateurs ou des voleurs peuvent tuer ou enlever des animaux d’un berger mais aucune puissance ne peut arracher un disciple qui a été saisi par le Christ. Ni l’idolâtrie, ni la persécution ni la souffrance ni la mort ne peuvent anéantir la Vie divine qui l’anime. Sa croix devient passage dans l’éternité. « Je ne meurs pas : j’entre dans la vie » murmurait Thérèse de Lisieux.

Seul le disciple lui-même a cette terrifiante liberté de lâcher la main de son Pasteur pour la tendre vers un guide qui le conduira vers la mort. Car la foi n’est pas une menotte, une prison mais un lien d’amour auquel je peux renoncer.


LE PÈRE ET MOI, NOUS SOMMES UN

Mystère insondable de l’identité de cet homme Jésus. Affirmation scandaleuse et inacceptable qui provoque sur le champ la furie des auditeurs prêts à le lapider pour blasphème « parce que toi qui es un homme, tu te fais Dieu » (10, 33). Mais Jésus n’édulcore pas son affirmation : « Le Père est en moi comme je suis dans le Père ». Ils veulent l’arrêter mais il échappe à leurs mains (10, 39). Bientôt ils arriveront à leur fin et ils hisseront sur la croix celui qui avait toujours refusé de monter sur un piédestal. En prenant la place de l’agneau pascal, Jésus qui s’est remis dans les mains de son Père deviendra le Bon Berger qui aime tellement ses brebis qu’il donne sa vie pour elles et qui, vivant, les guide vers le Père.


CONCLUSION

Cette métaphore pastorale comporte le risque de considérer les chrétiens comme des moutons sans personnalité et qui se laissent conduire béatement. La libre pensée se veut adulte, responsable et elle rejette cette obéissance servile, cette religion qui aliène les esprits et les infantilise. C’est pourquoi il est essentiel de montrer que loin d’éteindre la raison, la foi l’éveille, l’excite, la provoque à réfléchir, à questionner les textes. Il est faux de dire « je crois parce que c’est absurde ». Les disciples, loin d’être des « moutons de Panurge » qui bêlent des cantiques sous la maîtrise cléricale, doivent interroger, chercher à approfondir le mystère de leur unique Pasteur, comprendre comment « sa voix » s’adresse à chaque disciple pour qu’il suive « sa propre voie ».

Si des doctrines séparent, que très vite vienne le jour où il n’y aura « qu’un seul troupeau, un seul Pasteur ». Alors l’Evangile sera une Bonne Nouvelle pour tous les esprits éclairés.


Frère Raphaël Devillers, dominicain


LETTRE DES EVEQUES D’EUROPE DE L’OUEST —  A NOS FRERES ET SŒURS EUROPEENS


LETTRE DES EVEQUES D’EUROPE DE L’OUEST

A NOS FRERES ET SŒURS EUROPEENS

— EXTRAITS —


« … L’Union Européenne est aujourd’hui confrontée à différentes crises … Nous voulons vous redire notre confiance en l’Europe et l’espérance que nous plaçons en elle pour tracer des voies nouvelles à la hauteur des dangers qui la menacent.

Nous souhaitons aussi inviter tous les citoyens européens à reprendre conscience de leur héritage commun, à considérer les apports de l’Union Européenne dans leur vie de tous les jours, à soutenir son action en participant aux élections parlementaires européennes. …


L’EUROPE : DES SIÈCLES DE PARTAGE

… Tout au long de leur histoire, les peuples de l’Europe se sont nourris d’influences réciproques qui ont forgé la culture et l’esprit européens … Le message du Christ est venu cimenter ces apports sur le plan spirituel et ouvrir les peuples européens aux exigences nouvelles de l’Évangile : la dignité de la personne humaine, la solidarité à l’égard de tous et l’espérance en la vie éternelle.

… À travers les siècles, cette lente unification culturelle a souffert d’attaques extérieures, mais aussi de l’individualisme et de la soif de pouvoir des États qui ont conduit à des querelles politiques et à des déchirements diplomatiques. La cruelle expérience de deux guerres mondiales successives en est l’exemple le plus récent et le plus douloureux …

Au lendemain de la Deuxième Guerre mondiale, des hommes politiques européens ont décidé de ne plus recommencer les erreurs fatales du passé. Robert Schuman, Konrad Adenauer, Alcide de Gasperi et Paul Henri Spaak se sont engagés dans une voie nouvelle de réconciliation et de coopération …

Les Pères de l’Europe partageaient des valeurs communes : le sens du bien commun, le respect de la dignité de la personne humaine, la solidarité, la justice et la paix. Ces hommes, presque tous portés par des convictions chrétiennes, ont vu une concordance entre les réalités politiques qu’ils venaient de créer et les valeurs qui les animaient.

Grâce à eux, l’Union Européenne qui compte environ 500 millions d’habitants de 28 nations différentes, jouit depuis lors des conditions de paix les plus longues de son histoire. Cette paix durable a été le préalable nécessaire pour garantir le développement harmonieux et efficace des nations européennes.

Le pape François disait: « L’Europe, oui, a des racines chrétiennes. Le christianisme a pour devoir de les arroser, mais dans un esprit de service comme pour le lavement des pieds. Le devenir du christianisme pour l’Europe, c’est le service. » (17 5 2016)

Notre vocation de chrétien est donc de s’engager pour l’Europe au service du bien commun ….


ESPRIT, VOCATION ET GRANDEUR DE L’EUROPE

L’Europe n’est pas née d’une révolution violente et immédiate, mais d’une transformation progressive sous l’action de principes communs qui ont donné naissance à la société nouvelle.

Ces grands principes sont comme l’âme de l’Europe : en premier lieu, la dignité de la personne humaine, dans la liberté individuelle et le respect des droits de chacun ; l’égalité de nature de tous les hommes sur laquelle s’appuient l’idée d’une fraternité universelle et la solidarité à l’égard de tous ; le primat des valeurs intérieures qui seules ennoblissent l’homme.

Ces principes sont à la fois les moteurs et les fruits de la civilisation européenne, c’est sur eux que se fondent les relations sociales dans notre continent. Si ces principes sont devenus une évidence pour les Européens — de manière peut être inconsciente — ils ne sont actuellement pas mis en œuvre dans une grande partie du monde.

La culture et le patrimoine spirituel de l’Europe, son génie et sa pensée, lui ont valu pendant des siècles une prééminence incontestée. L’art roman, l’art gothique, le baroque et la Renaissance sont tous nés en Europe. La banque moderne, les grandes découvertes scientifiques, la maîtrise du temps, la mécanique, la physique et la chimie moderne sont toutes des inventions européennes. Les progrès de la médecine, l’abolition de l’esclavage, le modèle démocratique sont autant de fruits de la culture de notre continent.

Nous avons le devoir d’œuvrer pour que l’Europe, riche de cette culture multiforme retrouve la place qu’elle n’a pas toujours bien occupée dans le passé pour orienter l’évolution de l’humanité, non plus grâce à une hégémonie de puissance militaire ou économique, mais par le rayonnement de son esprit.

Soyons convaincus de la vocation de l’Europe d’être l’amie désintéressée des peuples, notamment de ceux qui connaissent des situations de conflit et de sous-développement, afin de leur apporter les lumières dont ils ont besoin pour leur développement spirituel, de ne pas se borner à leur apporter une assistance purement économique ou matérielle, mais leur procurer un idéal nouveau.

Il faut donc que s’affirme un tel esprit, c’est à dire que nous ayons conscience d’un patrimoine commun spécifiquement européen et que nous ayons la volonté de le sauvegarder et de le développer.


LES DEFIS DE L’EUROPE AUJOURD’HUI (ici seulement les titres)

La solidarité … La lutte contre les nouvelles formes de terrorisme … Le respect de la vie humaine …

Le respect de l’environnement : Les questions environnementales doivent être au cœur de nos préoccupations. L’Union Européenne dispose des moyens d’affronter cette question et nous pouvons l’aider à relever ce défi en nous engageant chacun dans notre vie de tous les jours pour la sauvegarde de la maison commune : cela passe par l’adaptation de nos modes de vies, par des dynamiques de consommation plus responsables et par une forme de vie plus sobre …

La question migratoire : L’Europe doit se saisir de la question migratoire en accord avec ses principes fondamentaux de respect de la dignité de la personne humaine et dans le souci du bien commun …

Problématiques liées à l’emploi et à la démographie en Europe … Renforcer l’identité européenne.


CONSTRUIRE ENSEMBLE L’EUROPE DE DEMAIN

… L’Europe est, et sera, ce que nous voulons en faire. Abandonner l’Europe serait non seulement enregistrer un suicide, mais encourir devant l’histoire la terrible responsabilité d’avoir laissé perdre un patrimoine qui nous a été confié, il y a près de 2000 ans, auquel nos ancêtres ont donné un éclat incomparable et duquel le monde contemporain a tant besoin.

Nous devons, nous voulons rendre à l’Europe son rayonnement et sa force ; en d’autres termes, lui rendre sa mission séculaire de promotrice de dialogue et d’intégration des peuples.

L’Europe se refera une âme dans la diversité de ses qualités et de ses aspirations. L’unité des conceptions fondamentales qui cimentent l’Europe depuis des siècles se concilie avec la pluralité des traditions et des convictions nationales. Soyons fiers des valeurs d’humanisme et de solidarité qui nous unissent et soyons conscients que chacun de nous porte la responsabilité de l’avenir de l’Europe. Engageons-nous pour faire vivre l’âme et l’esprit de l’Europe.

Son destin est aujourd’hui entre nos mains.

Ainsi, nous évêques catholiques, appelons nos concitoyens à prendre part aux élections européennes dans l’esprit de service du bien commun, pour tous nos frères européens.

Devant certaines difficultés, d’aucuns souhaiteraient s’opposer à l’Union Européenne, et se replier sur des nations indépendantes. Nous sommes convaincus que la solidarité et la collaboration entre les nations est la réponse la plus fructueuse que nous pouvons apporter aux problématiques actuelles de l’Europe.


Luxembourg, le 29 avril 2019, en la fête de Sainte Catherine de Sienne, copatronne de l’Europe,

+ Jean-Claude Hollerich, archevêque de Luxembourg + Stephan Ackermann, évêque de Trèves + Jean-Pierre Delville, évêque de Liège + Helmut Dieser, évêque d’Aix la Chapelle + Jean-Paul Gusching, évêque de Verdun.


Jean-Pierre Denis  —  UN CATHOLIQUE S’EST ECHAPPE


« UN CATHOLIQUE S’EST ÉCHAPPÉ »

LIVRE DE J.P. DENIS (ÉD. DU CERF)


À quoi ressemble le catholique ? Pourquoi témoigne-t-il si peu de la foi qui le fait vivre, au point de la voir disparaître du paysage occidental ? Avec l’essai Un catholique s’est échappé, c’est une riche réflexion et un véritable manifeste que livre Jean-Pierre Denis, le rédacteur en chef de l’hebdomadaire La Vie. Il n’y a plus à tergiverser, insiste-t-il : le cœur haut, munis de leur credo et habités des "valeurs faibles" que sont l’humilité, la charité, la fidélité… les catholiques doivent retrouver l’ardeur de la rencontre.

Interview de J.P. DENIS – La Libre 21 avril 2019

Quelle est la nature de la crise que traverse le catholicisme en Europe ?

Il traverse une double crise. La première est la crise des abus sexuels et ce qu’elle révèle de corruption à l’intérieur de l’institution. La deuxième, celle de la sécularisation, est plus ancienne. C’est une crise culturelle et multiséculaire qui émerge à partir du moment où le domaine du savoir éclate, quand la science, la théologie et la philosophie ont pris chacune leur propre chemin.

Mon propos vise à savoir si, à la croisée de ces deux crises, nous n’allons pas assister à la disparition pure et simple du catholicisme dans les sociétés occidentales, comme on a pu l’observer ailleurs. Or, face à cette question, nous les catholiques avons tendance à nous en tenir à une forme de déni. Nous disons, en gros, que certes il y a moins de pratiquants, mais qu’ils sont davantage convaincus qu’auparavant. Je m’élève avec vigueur contre cette théorie.


Vous faites donc un constat clinique - le catholicisme peut disparaître - mais vous ne vous y arrêtez pas…


Enfant de la République, je dois énormément à mon éducation laïque, mais je dois aussi énormément à l’Église catholique et aux prêtres qui m’ont permis de franchir les étapes les plus importantes de ma vie. Je ne peux donc supporter que le trésor dont j’ai reçu une modeste partie soit enfoui, dispersé, vendu à l’encan, et ne soit pas transmis


D’où vient cette absence de transmission ?


J’ai fait une découverte étonnante. Au fond, j’étais moi-même un catholique retenu. J’étais à l’aise pour m’exprimer, en tant que chrétien, sur les questions de société. Je l’étais moins par contre pour répondre aux questions existentielles, telles que celle que mon père m’a posée avant de mourir, me demandant "quel est le chemin ?" Je n’ai pas su y répondre, j’étais persuadé qu’il ne fallait pas aborder ces questions, car elles relevaient de l’intime, et que dans la société sécularisée, le catholique était censé se taire sur ce qui est essentiel pour lui. C’était une forme de prison mentale. Grâce à la question que m’a posée mon père, j’ai eu l’idée de pousser la porte et de dépasser cette mauvaise conception de la sécularisation qui consiste à penser que la foi relève uniquement de la sphère privée.


D’où vient la crise de l’homme ?


Les chrétiens ne vivent pas sur une île, mais je suis persuadé que leur position marginale, dans une société où tout est de plus en plus « marchandisé », est féconde. C’est une très bonne chose, car la folie du christianisme est qu’elle est une religion de la faiblesse.


Mais vous appelez les croyants à attester de leur foi. Qu’entendez-vous par ce verbe ?


Je pense que beaucoup de nos contemporains croient qu’ils ne croient plus, ce qui n’est pas la même chose que de ne plus croire. Souvent, je perçois une nostalgie ou un désir inassouvi de croire. Beaucoup sont aux portes de la foi. Paradoxalement, ce sont les chrétiens pratiquants qui les maintiennent dehors, n’entendant pas leur appel, leur désir d’accéder au christianisme dont ils ne se sentent pas dignes.

Attester cela veut dire témoigner. C’est un christianisme de témoins qui disent ce qu’ils vivent et ce qu’ils croient ... Dire simplement "Oui, je crois", écouter les questions, sont les gestes de ce christianisme qui peut soigner, "ouvrir des hôpitaux de campagne", pour le dire avec le pape François. De plus, c’est aujourd’hui le devoir de tout catholique.

Car de deux choses l’une : soit nous sommes indifférents ou résignés devant la disparition du christianisme, auquel cas, très bien, n’en parlons plus, fermons la boutique, tirons le rideau et vendons les églises comme on a commencé à le faire. Soit cela nous est insupportable. Si c’est le cas, alors il faut d’urgence attester de ce qui nous fait vivre. Autrement, il en irait aussi de non-assistance à personne en danger spirituel.


Mais il y a une difficulté. Les mots qu’utilise l’Église, les définitions de la liberté, de la vérité, et l’anthropologie sur laquelle elle appuie sa pensée, sont radicalement différents de ceux admis au sein de la société contemporaine.


... Quand je lis l’Évangile, j’observe par contre que Jésus a dit : "Je suis le chemin, la vérité et la vie". Il n’y a donc pas de christianisme sans vérité. De même qu’on ne peut séparer la recherche de la vérité du chemin. Les chrétiens peuvent cependant se tenir aux grands carrefours de l’existence. C’est un bon endroit, non pas pour installer des barrières et des contrôles, mais pour donner à manger et à boire à ceux qui ont faim et soif.


"Tout est peut-être là de notre drame : le renoncement à Jésus", écrivez-vous en conclusion de votre livre. Que voulez-vous dire ?


J’évoque la traduction française du choral de Bach Que ma joie demeure. Le vrai titre est Que Jésus demeure ma joie. Je souligne ce glissement comme une entourloupe de la sécularisation. On a perdu le sens mystique et religieux de ce choral, pour n’en garder qu’une dimension purement horizontale. Ce renoncement à l’invisible, à la dimension mystique, à l’espérance, à la certitude qu’il y a quelque chose de plus grand que nous est un vrai drame. C’est comme si on bouchait nos fenêtres parce qu’on ne supporte pas la lumière du jour. Je trouve triste et malheureux qu’on se prive de cette nourriture dont on a profondément besoin.


QUELQUES EXTRAITS DU LIVRE


"... Nous qui avons tant reçu, nous ne voulons plus donner. Sous le fallacieux prétexte de ne pas déranger, nous avons enfoui le trésor. Nous avons mis fin, par orgueil ou par faiblesse, par lâcheté ou par fatigue d’être, à deux mille ans d’histoire apostolique. Nous sommes des dégonflés."

"Faire signe, c’est se tenir visible au carrefour, disponible, comme les croix de mission sur les chemins de campagne, ces croix que l’on voit peu à peu rouiller et disparaître, points sensibles du paysage, croisée des chemins, repères mémoriels, bornes de vie."

"Il ne faut pas chercher à ‘conserver’ : on ne met pas Dieu en conserve. Il s’agit de dilapider la foi, de la gaspiller, de la multiplier . D’embourgeoisements en décadences, d’embrigadements en refondations, ainsi va le christianisme : l’essentiel est réveil. François d’Assise en est le plus pur exemple."

Logo_Resurrexit

Comme les années précédentes, du jour de Pâques à la Pentecôte, chaque jour du temps pascal, vous pouvez recevoir gratuitement une courte vidéo.

Cette année nous suivrons le texte de la 1ère lettre de Paul aux Corinthiens.

Vous pouvez vous inscrire par un clic :

https://www.dominicains.tv/fr/meditation-du-jour


LES DOMINICAINS DE LIEGE

Fichier du texte de l'homélie

Abonnement gratuit sur simple demande adressée à r.devillers@resurgences.be


Merci de préciser vos nom, prénom, ville, pays et engagement éventuel en Église.

Toutes les homélies sont toujours visibles à l'adresse :

https://resurgences.be

MailPoet