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13ème dimanche de Pâques
Année C – 30 juin 2019
Évangile de Luc 9, 51-62

LE GRAND TOURNANT

13ème dimanche ordinaires – Année C – 30 juin 2019 – Évangile de Luc 9, 51-62

Deuxième lecture :

LETTRE DE SAINT PAUL APÔTRE AUX GALATES


C’est pour que nous soyons libres que le Christ nous a libérés
Vous avez été appelés à la liberté.
Mais que cette liberté ne soit pas un prétexte pour votre égoïsme ;
au contraire, mettez-vous, par amour, au service les uns des autres.
Car toute la Loi est accomplie dans l’unique parole que voici :
« Tu aimeras ton prochain comme toi-même ».
Mais si vous vous mordez et vous dévorez les uns les autres, prenez garde :
vous allez vous détruire les uns les autres.



ÉVANGILE DE LUC 9, 51-62

LE GRAND TOURNANT


L’Eglise a cru qu’elle pouvait faire une Europe chrétienne. Le centre était le Vatican ; les plus grands artistes avaient réalisé des chefs-d’œuvre inspirés par la foi chrétienne ; au cœur de tous les villages, l’église paroissiale accueillait chaque dimanche les pratiquants assez nombreux ; elle était le lieu des grands événements de la vie : naissance, adolescence, mariage, enterrement ; un immense réseau d’écoles et de cliniques étendait partout ses ramifications ; des missionnaires revenaient solliciter notre aide pour étendre l’Eglise jusque dans les coins les plus reculés du globe.

Au 18ème siècle, les philosophes des Lumières et la Révolution ont ébranlé le bel édifice ; au 19ème, la raison et les sciences ont prétendu évacuer les mystères; le 20ème a vu s’imposer la sécularisation. Enfin notre 21ème siècle voit le prolongement de ce tsunami séculaire: en Europe les statistiques chrétiennes sont en chute libre, des églises sont en vente, la religion paraît désuète, inutile. Des jeunes confrères viennent de nous arriver de l’Inde : ils disent leur stupeur de découvrir une société aussi païenne.

Critiquer nos ancêtres, dénoncer la conduite des jeunes, comptabiliser les vices de notre société seraient des moyens subtils de nous démobiliser. Le monde change, la modernité apporte des changements radicaux. Ne soyons pas les rescapés d’une Eglise musée et cherchons à comprendre ce que l’Esprit nous inspire de changer et d’entreprendre. Un tournant est à prendre.

Justement aujourd’hui, après la succession des grandes fêtes, la liturgie nous fait reprendre le déroulement de la vie de Jésus au moment où il effectue un tournant radical.


LE GRAND TOURNANT DE LA VIE DE JESUS

Le 1er verset du jour est capital : le voici en traduction littérale :

Il arriva qu’étaient accomplis les jours de son enlèvement,
alors il durcit sa face pour aller à Jérusalem.


Lors de son baptême, Jésus ayant reçu la vocation de son Père avait commencé sa mission en circulant à travers les villages de Galilée. Il proclamait que le Règne de Dieu s’approchait, prêchait dans les synagogues, faisait quelques guérisons de malades, rassemblait autour de lui quelques apôtres. Or, un jour, contemplant la ville païenne de Césarée, il eut une certitude : Jérusalem devait s’ouvrir, il lui fallait monter à Jérusalem. Il en était sûr : les autorités du Temple ne l’accepteraient pas et le feraient mettre à mort. Mais son Père ne l’abandonnerait jamais et lui rendrait la vie. A ses disciples sidérés par cette nouvelle, il annonçait qu’ils devaient eux aussi prendre ce même chemin.

Aujourd’hui donc sonne l’heure de ce départ qui aboutira, dit Luc, à son « enlèvement ». De même que jadis le prophète Elie avait été enlevé dans le ciel, Jésus le sera aussi mais par la mort la plus cruelle.

Jésus ne va donc pas à Jérusalem pour obéir à un Dieu qui exigerait une victime d’expiation des péchés : il y va pour poursuivre la même mission : proclamer qu’avec lui Dieu vient régner parmi les hommes. Effet immédiat : les autorités du temple trouveront cette affirmation blasphématoire et le tueront. Paradoxalement c’est ainsi que s’accomplira le projet de Dieu : élevé en croix, Jésus sera enlevé près de son Père. Mais la certitude de sa réussite n’adoucit en rien, que du contraire, la perspective du supplice: Jésus « durcit sa face », il serre les dents, il lutte contre son épouvante.

Qu’attendait-on de lui ? Les résistants zélotes espéraient que ce prédicateur populaire montait dans la capitale pour y lancer le signal de l’insurrection armée ; les pharisiens souhaitaient que Jésus vitupère contre les grands pécheurs et les presse à se convertir sous peine du feu éternel ; les prêtres auraient voulu qu’il incite les tièdes à plus de générosité dans les sacrifices.

Or pour Jésus le problème n’est pas d’abord Pilate et la politique, ni la morale et les bonnes mœurs, ni le culte et les rites. Le problème, c’est de le reconnaître, lui, comme le Fils qui recentre tout sur l’amour. Et qui vient par conséquent appeler le temple à être la Maison de son Père, donc la demeure des pauvres et de tous les peuples et pas celle de Caïphe et des prélats.

Etonnante révélation. Aujourd’hui nous croyons que les périls du monde viennent des arsenaux d’armes ou des géants de l’informatique ou des apprentis sorciers de la biologie ou des mœurs dépravées ou de l’abus du plastique, etc. Et voilà que l’Evangile nous renvoie en priorité à nous, chrétiens. Le changement doit d’abord commencer dans l’Eglise. A Rome pour se répercuter dans toutes nos églises. François l’a bien compris.


LE ROYAUME VIENT SANS VIOLENCE


Jésus envoya des messagers devant sa face pour préparer sa venue. Un village samaritain refusa de le recevoir. Les disciples Jacques et Jean intervinrent : « Seigneur, veux-tu que nous ordonnions que le feu du ciel tombe et les détruise ? ». Jésus les réprimanda très vertement. Ils partirent pour un autre village.


Au contraire d’Elie qui jadis déchaînait le feu du ciel contre ceux qui lui résistaient, Jésus s’oppose farouchement à toute violence au nom de Dieu. Son Règne ne s’impose pas, il se propose à la liberté. Refusé ici, l’appel rebondit ailleurs. Son échec d’un côté ne suscite pas la colère mais lui permet de retentir près d’un autre auditoire. La surdité actuelle de votre enfant ne le damne pas : elle vous provoque à trouver les oreilles de votre collègue de bureau. L’essentiel est de poursuivre les démarches, sans jamais se lasser, sans amertume d’échec ni triomphe de réussite. Car il ne s’agit pas de nos performances : ce n’est pas nous qui sommes accueillis ou renvoyés mais le Christ Seigneur. Nous ne faisons que « préparer sa venue ». En douceur.


ARRACHEMENT ET URGENCE

Trois exemples d’appels éclairent les exigences de la nouvelle aventure qui est d’abord décision de « suivre le Christ » c.à.d. lien profond avec ce Jésus découvert dans l’Evangile et désir de vivre comme il l’exige. Cette décision profonde entraîne l’adhésion à la communauté.

Cette aventure doit consentir à des détachements profonds : « Le Fils de l’homme n’a pas où reposer la tête ». La vie de foi n’est pas une gestion paisible bercée par une piété émolliente. On ne repose pas sa tête ou son cœur dans le luxe ou les certitudes. On se heurte à des oppositions. Parfois même manque l’épaule amicale où l’on trouverait douceur et repos, la communauté fraternelle qui panserait nos plaies.

Elle fait basculer dans un nouveau temps, oblige à tourner la page, à perdre tout regret du passé et même à renoncer à des liens sacrés. Au jeune qui voudrait d’abord aller enterrer son père, Jésus donne une réponse scandaleuse: « Laisse les morts enterrer les morts : va annoncer le Règne de Dieu ». Or les honneurs de sépulture des parents étaient parmi les devoirs les plus sacrés. Le choc de l’exagération souligne l’urgence de l’évangélisation ! Le temps presse.

La 3ème scène rappelle celle avec le prophète Elie (cf. la 1ère lecture) mais la radicalise encore : « Celui qui met la main à la charrue et regarde en arrière n’est pas fait pour le Royaume de Dieu ». Pas de place pour la nostalgie, le regret du bon vieux temps. Par l’espérance, le disciple se laisse « enlever » avec le Fils vers son Père.


CONCLUSION

Comme Jésus, l’Eglise prend conscience qu’elle doit perdre ses illusions, changer d’auditoire, secouer ses membres qui s’accrochent à un passé révolu. Le temps de l’Évangile est toujours neuf, il bouscule, envoie vers un avenir périlleux : il nous faut serrer les dents pour entrer dans un chemin difficile. C’est de la sorte que nous « enlèverons » l’humanité vers le Père.


Frère Raphaël Devillers, dominicain


Pape François

PAPE FRANCOIS

LA LUMIERE DE LA FOI

La lumière de la foi (Lumen Fidei) : Par cette expression, la tradition de l’Église a désigné le grand don apporté par Jésus, qui, dans l’Évangile de Jean, se présente ainsi : « Moi, lumière, je suis venu dans le monde, pour que quiconque croit en moi ne demeure pas dans les ténèbres » (Jn 12, 46).

Celui qui croit, voit ; il voit avec une lumière qui illumine tout le parcours de la route, parce qu’elle nous vient du Christ ressuscité, étoile du matin qui ne se couche pas.


Une lumière illusoire ?

2. Cependant nous pouvons entendre l’objection de tant de nos contemporains. À l’époque moderne on a pensé qu’une telle lumière était suffisante pour les sociétés anciennes, mais qu’elle ne servirait pas pour les temps nouveaux, pour l’homme devenu adulte, fier de sa raison, désireux d’explorer l’avenir de façon nouvelle.

En ce sens, la foi apparaissait comme une lumière illusoire qui empêchait l’homme de cultiver l’audace du savoir... La foi serait alors comme une illusion de lumière qui empêche notre cheminement d’hommes libres vers l’avenir.

3. Dans ce processus, la foi a fini par être associée à l’obscurité. On a pensé pouvoir la conserver, trouver pour elle un espace pour la faire cohabiter avec la lumière de la raison. L’espace pour la foi s’ouvrait là où la raison ne pouvait pas éclairer, là où l’homme ne pouvait plus avoir de certitudes.

Alors la foi a été comprise comme un saut dans le vide que nous accomplissons par manque de lumière, poussés par un sentiment aveugle ; ou comme une lumière subjective, capable peut-être de réchauffer le cœur, d’apporter une consolation privée, mais qui ne peut se proposer aux autres comme lumière objective et commune pour éclairer le chemin.

Peu à peu, cependant, on a vu que la lumière de la raison autonome ne réussissait pas à éclairer assez l’avenir ; elle reste en fin de compte dans son obscurité et laisse l’homme dans la peur de l’inconnu.

Ainsi l’homme a-t-il renoncé à la recherche d’une grande lumière, d’une grande vérité, pour se contenter des petites lumières qui éclairent l’immédiat, mais qui sont incapables de montrer la route. Quand manque la lumière, tout devient confus, il est impossible de distinguer le bien du mal, la route qui conduit à destination de celle qui nous fait tourner en rond, sans direction.


Une lumière à redécouvrir

4. Aussi il est urgent de récupérer le caractère particulier de lumière de la foi parce que, lorsque sa flamme s’éteint, toutes les autres lumières finissent par perdre leur vigueur.

La lumière de la foi possède, en effet, un caractère singulier, étant capable d’éclairer toute l’existence de l’homme.

Pour qu’une lumière soit aussi puissante, elle ne peut provenir de nous-mêmes, elle doit venir d’une source plus originaire, elle doit venir, en définitive, de Dieu.

La foi naît de la rencontre avec le Dieu vivant, qui nous appelle et nous révèle son amour, un amour qui nous précède et sur lequel nous pouvons nous appuyer pour être solides et construire notre vie.

Transformés par cet amour nous recevons des yeux nouveaux, nous faisons l’expérience qu’en lui se trouve une grande promesse de plénitude et le regard de l’avenir s’ouvre à nous. La foi que nous recevons de Dieu comme un don surnaturel, apparaît comme une lumière pour la route, qui oriente notre marche dans le temps.

5. … La conviction d’une foi qui rend la vie grande et pleine, centrée sur le Christ et sur la force de sa grâce, animait la mission des premiers chrétiens.

Dans les « Actes des martyrs », nous lisons ce dialogue entre le préfet romain Rusticus et le chrétien Hiérax : « Où sont tes parents ? » demandait le juge au martyr, et celui-ci répondit : « Notre vrai père est le Christ, et notre mère la foi en lui ».

Pour ces chrétiens la foi, en tant que rencontre avec le Dieu vivant manifesté dans le  Christ, était une « mère », parce qu’elle les faisait venir à la lumière, engendrait en eux la vie divine, une nouvelle expérience, une vision lumineuse de l’existence pour laquelle on était prêt à rendre un témoignage public jusqu’au bout.

6.. L’Église, en effet, ne suppose jamais la foi comme un fait acquis, mais elle sait que ce don de Dieu doit être nourri et renforcé pour qu’il continue à conduire sa marche….De cette façon, a été mise en évidence la manière dont la foi enrichit l’existence humaine dans toutes ses dimensions.

Dans la foi, vertu surnaturelle donnée par Dieu, nous reconnaissons qu’un grand Amour nous a été offert, qu’une bonne Parole nous a été adressée et que, en accueillant cette Parole, qui est Jésus Christ, Parole incarnée, l’Esprit Saint nous transforme, éclaire le chemin de l’avenir et fait grandir en nous les ailes de l’espérance pour le parcourir avec joie.

Dans un admirable entrecroisement, la foi, l’espérance et la charité constituent le dynamisme de l’existence chrétienne vers la pleine communion avec Dieu.

Pape François - La lumière de la foi
Encyclique Juin 2013

Fichier du texte de l'homélie

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