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Toussaint – Année A – 1er novembre 2020

Évangile de Matthieu 6, 1-12

Je crois à la Communion des Saints

Toussaint – Année A – 1er novembre 2020 – Évangile de Matthieu 6, 1-12

Concile Vatican II : L’Eglise (chapitre 7)


« L’union de ceux qui sont encore en chemin sur terre avec leurs frères endormis dans la paix du Christ n’est nullement interrompue. Au contraire cette union est renforcée ...ils ne cessent d’intercéder pour nous auprès du Père...Ainsi leur sollicitude fraternelle est du plus grand secours pour notre faiblesse ...

Reconnaissant cette communion qui existe à l’intérieur de tout le Corps mystique de Jésus-Christ, l’Église a entouré de beaucoup de piété la mémoire des défunts dès les premiers temps du christianisme...Elle a toujours cru qu’ils se trouvaient dans le Christ plus étroitement unis avec nous, elle les a honorés, sollicitant le secours de leur intercession ...Contempler la vie des hommes qui ont suivi fidèlement le Christ, est un nouveau stimulant à rechercher la Cité à venir. Et nous apprenons à connaître le chemin très sûr par lequel il nous sera possible de parvenir à la sainteté...»

Évangile de Matthieu 6, 1-12

Je crois à la Communion des Saints


La fête de la Toussaint étant un jour férié, il était inévitable qu’elle soit bousculée par la célébration du lendemain et devienne en fait « Commémoration des défunts ». Ainsi le mot qui chante la victoire de la vie est devenu jour de la mort. Au lieu de nous entraîner vers l’avenir et le ciel, il nous retourne vers le passé. Il nous offrait un but de vie et nous promettait la joie : il nous enlise dans la tristesse et les regrets.

Nos ancêtres des premières générations chrétiennes étaient déchirés eux aussi par la disparition de leurs êtres chers ; comme nous, ils souffraient, ils pleuraient. Mais ils ne se livraient plus aux grandes lamentations pathétiques des païens, ils célébraient l’Eucharistie en vêtements blancs et leurs sanglots ne couvraient pas le chant des Alléluias. C’est bien plus tard que s’imposèrent les lugubres tentures noires. Et si le « Dies Irae » puis le fameux Adagio d’Albinoni sont des chefs d’œuvre musicaux, on y perçoit trop peu la petite voix de l’espérance.

C’était une si belle trouvaille cependant d’allumer le phare de la Toussaint pour éclairer la fin de l’année liturgique. Alors que la grisaille et le froid s’installent, après avoir accordé à chaque grand Saint un jour de fête, l’Église nous affirmait que la sainteté n’est pas un héroïsme réservé à quelques géants de la foi, qu’il n’est pas requis d’accomplir des miracles, de faire des expériences de haute mystique, de fuir dans un ermitage, de créer des Œuvres humanitaires, de partir en mission lointaine.

Certes il y a les premiers apôtres comme Pierre et Paul, les martyrs comme Blandine et Paul Miki, les héros de la charité comme Vincent de Paul ou Camille de Lellis, les incomparables comme François d’Assise. Mais n’oublions pas de contempler la magnifique vision de Jean : « Cette foule immense que nul ne peut dénombrer, des gens de toutes les nations. Ils se tiennent debout devant le trône de Dieu et devant l’Agneau, vêtus de robes blanches et des palmes à la main » (Apo 7, 9).

Nous ne les reconnaissons plus parce qu’ils sont transfigurés par la Lumière de gloire, mais il y a là des gosses qui descendaient au fond de la mine et mouraient de silicose, des petites caissières de supermarchés que nous dévisagions à peine, des grands-mères oubliées dans leur maison de repos, des instituteurs qui se dévouaient à faire des hommes, des indiens perdus dans la forêt amazonienne. Mais aussi des rois et des grands de ce monde. Des bons pratiquants catholiques et des mécréants. Des bonnes Sœurs et des anciennes prostituées.

Tous sont différents, tous ont des parcours lisses ou cabossés, tous avaient des défauts, commettaient des péchés. Ils ne se sont pas perfectionnés mais se sont lavés et purifiés par le sang de l’Agneau (Apo 7, 14).

La Communion des Saints

Mais il faut ajouter une autre merveille. Ces saints arrivés au terme de la route n’ont pas grimpé à un étage supérieur de la vie qui les séparerait de nous qui nous traînons encore dans la boue de la terre. Eux et nous, nous restons liés, ensemble car nous vivons de la même vie, nous constituons le Corps du Christ et nous en sommes tous des membres.

« Je crois à la communion des saints » : nous récitons notre credo machinalement sans trop savoir ce que ces vieux mots signifient et qui devraient nous transporter de joie. L’espace nous sépare, la mort dissout notre corps mais elle ne peut briser la communion. Au ciel ou sur terre, la sainteté est la même et la mort ne peut couper la communication de l’amour. Quand un chrétien terrestre meurt, l’effectif de l’Église ne diminue pas. C’est toujours la bévue monumentale des dictateurs qui persécutent les chrétiens et essaient d’en tuer le plus possible : Staline, Hitler, Mao ont multiplié les saints et ce sont les cris et les larmes de nos pauvres frères et sœurs assassinés qui ont fait crouler leurs régimes.

Comment être saint : le chemin des Béatitudes

La sainteté n’est pas un titre d’honneur mérité par ceux qui ont réussi leur examen de morale et elle n’est en tout cas jamais une fuite de ce monde d’ici-bas. La vie d’un ermite n’a de sens que s’il la mène au service de l’humanité.

Elle n’est pas non plus une offre facultative pour les âmes d’élite mais un ordre même de Dieu : « Soyez saints comme moi je suis saint, dit le Seigneur » (Lév 19, 2). Elle est au fond l’accomplissement normal de la vie car elle est, avec bien des échecs et des ratés, la victoire de l’amour.

Pour Matthieu, en ouvrant sa mission, Jésus a promulgué son discours programme que l’on a coutume d’appeler «le sermon sur la montagne ». Il s’ouvre par un magnifique portail d’où rayonnent huit sentiers, huit invitations à s’engager à vivre d’une certaine manière. Langage séculier loin de toute « religion ». Non d’abord promesses d’un au-delà consolateur mais appel à agir immédiatement en plein monde.

Ainsi les 8 Béatitudes ouvrent la voie de la sainteté. Pour être bref, on peut les méditer par couples.

Heureux les pauvres de cœur, car le royaume des Cieux est à eux.
Heureux les doux, car ils recevront la terre en héritage.


Le fondement absolument nécessaire : l’humilité, le refus de tout orgueil. Notre tour de Babel doit s’écrouler. Se savoir fils de Dieu nous guérit de l’envie de nous grandir. Cette pauvreté radicale entraîne la douceur qui n’est pas, dans la Bible, absence de colère mais limite des possessions, frein aux envies, sobriété (Psaume 37)

Heureux ceux qui pleurent, car ils seront consolés.
Heureux ceux qui ont faim et soif de la justice, car ils seront rassasiés.


Il ne s’agit pas du deuil ordinaire mais de l’immense tristesse devant le délabrement du monde, le malheur épouvantable des hommes. Non plainte inutile ni résignation païenne mais immense désir d’un monde rétabli, d’une humanité remise à sa « juste » place et certitude que ce projet de Dieu se réalisera.

Heureux les miséricordieux, car ils obtiendront miséricorde.
Heureux les cœurs purs, car ils verront Dieu.


Découverte de la vérité de l’amour qui condamne le mal mais qui comprend la faiblesse et qui pardonne 70 fois 7 fois, qui accueille le prodigue, qui ne passe pas outre lorsqu’une misère appelle. L’amour service, débarrassé des scories de l’égoïsme, est unifié : il devient pur au point d’être sûr que Dieu est là où tant d’autres le nient.

Heureux les artisans de paix, car ils seront appelés fils de Dieu.
Heureux ceux qui sont persécutés pour la justice, car le royaume des Cieux est à eux. Si l’on vous insulte, si l’on vous persécute à cause de moi, réjouissez-vous, C’est ainsi qu’on a persécuté les prophètes qui vous ont précédés.


La paix n’est pas une utopie, ni l’absence de guerre, ni un traité fragile et vite bafoué, ni une fatalité, ni un accord entre États. Elle est un artisanat compliqué toujours à reprendre. Un travail en chacun de nous, abîmés par l’aigreur et le ressentiment. Il commence dès les premiers jours de la fraternité, se prolonge dans la vie des amoureux. La paix semble une oeuvre tellement inaccessible que l’on appelle les pacifiques « enfants de Dieu ».

En effet, ceux et celles qui s’engagent pour la paix, le pardon, la justice, la pauvreté seront mal vus, traités de lâches ou d’imbéciles, persécutés. On fera toujours la guerre contre ceux qui veulent faire la paix. Parce que l’on ne veut pas d’un monde de partage et de dialogue, sans privilèges et sans rivalités. L’artisan doit accepter que la paix vienne à son détriment et qu’il en paye le prix.

La sainteté dérange non parce qu’elle embourbe dans le vieux monde religieux et arrête le progrès mais parce qu’elle anticipe le vrai monde à venir. Après avoir proclamé les Béatitudes, Jésus ajoute : « Vous êtes le sel de la terre...Vous êtes la lumière du monde. On n’allume pas une lampe pour la dissimuler ; une ville éclairée ne peut être cachée... ».

C’est dire combien la foi évangélique n’est pas une fuite à l’écart du monde ni un beau texte à encadrer.

« J’aime voir la sainteté dans le patient peuple de Dieu : chez ces parents qui éduquent avec tant d’amour leurs enfants, chez ces hommes et ces femmes qui travaillent pour apporter le pain à la maison, chez les malades, chez les religieuses âgées qui continuent de sourire.
Dans cette constance à aller de l’avant chaque jour, je vois la sainteté de l’Église militante. C’est cela, souvent, la sainteté « de la porte d’à côté », de ceux qui vivent proches de nous et sont un reflet de la présence de Dieu, ou, pour employer une autre expression, « la classe moyenne de la sainteté ». (Pape François – « Soyez dans la joie – Appel à la sainteté - § 9)



Frère Raphaël Devillers, dominicain

«Le Seigneur m’a appelé à aimer celui qui m’a crevé les yeux»

«Le Seigneur m’a appelé à aimer celui qui m’a crevé les yeux»

Fouad Hassoun est miraculeusement rescapé d’un attentat qui a tué vingt personnes et blessé cent autres dans un quartier chrétien de Beyrouth, le 21 janvier 1986. Près de 34 ans après, il raconte dans un livre son incroyable cheminement : "Le pardon m’a guidé vers cette folie de l’amour", témoigne-t-il à Aleteia.

Il s’en souvient comme si c’était hier. « Je croyais que j’étais en train de mourir, et j’ai crié : “Ya Aadra ! Ya Aadra !”, ce qui veut dire : Oh, Sainte Vierge, je ne veux pas mourir ! ». Nous sommes le 21 janvier 1986, à Beyrouth, la capitale du Liban. Fouad Hassoun a 17 ans et il termine son petit-déjeuner dans l’appartement de sa grand-mère, où il est installé pour ses études. Brillant étudiant en médecine, il se rêve ophtalmologue et s’apprête à partir pour l’université. Quelques secondes plus tard, depuis sa fenêtre, Fouad Hassoun est heurté de plein fouet par une violente déflagration. Au milieu de la rue, un terroriste vient de faire exploser une voiture piégée. Vingt personnes sont tuées et cent autres blessées. Dans ses derniers souvenirs, Fouad se rappelle avoir invoqué la Sainte Vierge, qu’il avait l’habitude de prier régulièrement, comme ses parents – chrétiens maronites-, le lui avaient enseigné.

Pris pour mort, il est envoyé à la morgue

Totalement aveugle, ne pouvant plus bouger aucun membre, Fouad Hassoun est pris pour mort et envoyé à la morgue. Mais son cousin, qui vient de traverser tous les hôpitaux de Beyrouth pour le retrouver, détecte un mouvement et parvient à convaincre les médecins de l’opérer.

« Lorsque je me suis réveillé sur mon lit d’hôpital, je ne voyais plus rien. J’étais entouré de tous mes proches qui se lamentaient sur mon sort », raconte-t-il à Aleteia. « Miraculé », Fouad a encore l’espoir de recouvrer la vue. Ce n’est que quelques mois plus tard qu’il comprend qu’il ne verra plus jamais. « Un énorme sentiment de colère et de haine est monté en moi. Une grosse bombe venait d’exploser à nouveau. Je voulais me venger et tuer celui qui avait posé la bombe ».

J’en t’en prie, libère-moi maintenant (…) C’est trop lourd. J’ai envie d’être heureux.

Catholique pratiquant, Fouad Hassoun s’installe en France où il rencontre Laëtitia, sa future femme et mère de ses quatre enfants. Il entame un long parcours de guérison intérieure. « Une fois de plus, c’est Marie qui a volé à mon secours et fait tomber les écailles de mes yeux », raconte-t-il dans son livre. Un soir, alors qu’il apprend que l’homme qui avait posé la bombe au pied de son immeuble vient d’être arrêté, un passage de l’Évangile selon saint Jean lui revient en boucle : « M’aimes-tu ? ». « Oui Seigneur, oui je t’aime. J’en t’en prie, libère-moi maintenant (…) C’est trop lourd. J’ai envie d’être heureux », répond Fouad.

Le déclic lors d’une retraite dans une abbaye

Il franchit un pas décisif en 1988, au cours d’une retraite à l’abbaye de Notre-Dame-des-Neiges, dans un village typique niché au cœur de l’Ardèche. « Au bout d’intenses supplications, j’ai senti monter en moi ce “oui, je veux pardonner”. Ce chemin-là s’est ouvert à moi, comme un énorme déclic. Jour après jour, j’ai vu ce pardon grandir en moi », raconte Fouad. Il ajoute : « Le conflit ne faisait plus partie de ma vie, et je commençais à construire une vie paisible ».

Touché par la grâce, Fouad Hassoun témoigne que le pardon ne l’a plus jamais quitté. Mieux, il l’a guidé « vers cette folie de l’amour » : « Le Seigneur m’a appelé à plus grand, aimer celui qui m’a fait le plus de mal et qui m’a crevé les yeux ».

Site Aleteia 11 octobre 2020
éd. Mame

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