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Dimanche des Rameaux – Année C – 10 avril 2022

Évangile de Luc 10, 28 – 40

La Joyeuse Entrée du Roi

Dimanche des Rameaux - Année C – 10 avril 2022 – Évangile de Luc 10, 28 – 40
Que voulez-vous ? – Des petits œufs, des poussins et du chocolat.
«Venez, allons à la rencontre du Christ. Il s’avance de son plein gré vers sa sainte passion, afin de mener à son terme le mystère de notre salut. Lui qui qui est venu du ciel pour nous, alors que nous étions au plus bas, afin de nous élever vers lui. Il vient sans ostentation et sans faste. Il sera doux et humble, il fera modestement son entrée.

Alors courons avec lui. Non pour étendre sur son chemin des rameaux d’oliviers, des vêtements ou des palmes. C’est nous-mêmes qu’il faut abaisser devant lui, autant que nous le pouvons, par l’humilité du cœur et la droiture de l’esprit, afin d’accueillir le Verbe qui vient, afin que Dieu trouve place en nous.

Il est devenu notre compagnon, nous élever et nous mener vers lui par la Parole qui nous unit à Dieu. C’est ainsi que nous préparerons le chemin du Christ : nous n’étendrons pas des vêtements et des rameaux inanimés...Notre vêtement, c’est sa grâce, c’est lui tout entier que nous avons revêtu...C’est nous-mêmes que nous devons déployer sous ses pas.

En ce jour, disons : « Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur, le roi d’Israël »

Saint André de Crète (8ème s.)

Évangile de Luc 10, 28 – 40

La Joyeuse Entrée du Roi


Aujourd’hui Jésus parvient au terme de cette longue montée qu’il a décidée il y a plusieurs semaines à Césarée, tout au nord-est, à la frontière du monde juif avec la civilisation païenne et qu’il a annoncée aux disciples. Il est très conscient : je souffrirai beaucoup, ils me mettront à mort mais mon Père me rendra la vie. Pâle, les traits tirés, mais résolu, il s’est mis en route en prévenant : quiconque veut être mon disciple doit prendre le même chemin. En route il poursuit sa mission : enseigner, guérir quelques malades. Un soir, dans sa prière, son Père lui donne un signe lumineux de la future transfiguration de ce pauvre corps qui va être défiguré. Les disciples ne comprennent toujours pas mais ils le suivent quand même.

Au moment où nous allons commémorer ce drame qui a changé la face du monde, nous restons, avouons-le et n’en soyons pas surpris, perplexes, assaillis de questions. Ne vivons pas des liturgies routinières, osons rompre avec la multitude des tentations mondaines, prenons le temps de réfléchir, de méditer le récit de la Passion de Luc, battons-nous avec les obscurités du texte.

N’oublions pas que notre vie a valeur et est sauvée dans la mesure où nous aurons essayé de vivre cet enseignement car « Celui qui veut être mon disciple ... ». Cette histoire n’est pas une lecture mais un itinéraire à prendre.

Pourquoi aller à la mort ? Qui est coupable ? Pas Jésus

Jésus n’est pas monté à Jérusalem pour y souffrir. Il n’est pas suicidaire et est libre de cette « pulsion de mort » que le Dr Freud a décelée en nous. Butant très vite contre la résistance des scribes, des pharisiens et des grands prêtres qui l’épiaient, il a expérimenté la montée de la haine. Il est monté pour dénoncer la fausseté d’un temple dont la splendeur était le fruit des exactions et des crimes d’Hérode. Il avait vu depuis longtemps, à la suite des prophètes Amos et Isaïe, que le culte fastueux avec ses sacrifices rigoureusement célébrés, était stérile. Il déployait son faste mais son spectacle ne changeait pas le mode de vie des participants, il ne convertissait pas les cœurs.

Faussement vrai, il était donc dangereux en donnant des assurances factices. En outre, Jésus, comme tout le monde, savait la vanité, la cupidité de certaines grandes familles sacerdotales. Et il ne supportait plus un temple qui refusait son entrée à des malades sous prétexte qu’ils étaient pécheurs, et qui bannissait « les autres », les païens. Ce n’est pas la nécessité de la souffrance qui a jeté Jésus dans le combat mais la volonté d’accomplir la mission de son Père : faire sauter ce verrou qui l’empêchait de se réaliser dans les temps nouveaux qui s’ouvraient alors.

Pas Dieu

Ce n’est pas Dieu qui a voulu la mort de son fils, lui qui a strictement interdit ce sacrifice à Abraham ainsi que tout sacrifice d’êtres humains. YHWH n’est pas un Moloch implacable qui exige réparation de toute faute à son égard. Son dessein, confié à Jésus, est de faire advenir son Royaume. Et dès le désert, Jésus a rejeté les procédés diaboliques pour choisir ceux de Dieu : pauvreté, douceur, refus de la violence armée. Mais l’obstacle majeur était le système du temple, tel qu’il fonctionnait, et ses responsables. C’est cela qu’il fallait donc dénoncer, ce qui par conséquent ne pouvait entraîner que le durcissement et la haine. Jésus a choisi la mission jusqu’au bout plutôt que la démission. « Qui perd sa vie la gagne ».

Pas les Juifs

Ce n’est pas le peuple de Jérusalem qui est responsable. A l’approche de la Pâque la ville était surchargée par l’arrivée continuelle de dizaines de milliers de pèlerins ravis de retrouver leur ville sainte. Ces gens de Corinthe, d’Alexandrie, de Rome, de Syrie ne connaissaient absolument pas ce Jésus et leurs familles avaient fort à faire pour les accueillir, veiller à l’hospitalité et les nourrir. Combien de personnes ont-elles participé à la Joyeuse Entrée du Galiléen ? Des zélotes qui attendaient le signal de la révolution, des spectateurs emballés par les miracles, des gens manipulés par les grands-prêtres...

Pas « Les Grands Prêtres »

Par convention et habitude, on parle des « grands prêtres ». Mais les récits montrent que le procès n’a pas respecté les normes juridiques et a été expédié en hâte par Caïphe et quelques autres. Les rabbins d’aujourd’hui disent que la sentence n’était absolument pas valable. Et les évangiles racontent que certains prélats, comme Nicodème ou Thomas d’Arimathie, sympathisaient avec Jésus. On ne peut pas dire que « le sanhédrin » a condamné Jésus.

Pas les Romains

Et les Romains ? Dans les années 70-80, lorsque les premiers évangiles paraissent et évoquent les souvenirs, les pharisiens, qui dirigent la foi après la destruction du temple et la disparition du clergé, sont les grands adversaires de leurs compatriotes qui se sont convertis à la foi nouvelle. C’est pourquoi les évangélistes noircissent leur portrait jusqu’à la caricature et ils chargent « les Juifs » de la responsabilité de la mort de Jésus.

D’autre part, comme les nouvelles communautés se répandent partout et se présentent comme les héritières d’un juif très contesté qui a été condamné à la mort ignominieuse de la croix (supplice réservé aux révolutionnaires) par le préfet Pilate, les évangiles insistent fortement sur la pression des prêtres juifs. De même ils insistent fortement sur les réticences de Pilate qui refusait l’exécution de ce Jésus. Car partout les Romains restaient perplexes et méfiants vis-à-vis de cette nouvelle secte qui se présentait comme fondée par un crucifié : ces nouveaux chrétiens n’étaient-ils pas aussi des révolutionnaires ? Il fallait donc insister sur leur obéissance à l’ordre.

La Croix est le passage dans l’amour de la Vie

Tout cela n’explique pas tout mais permet de rejeter des idées et des pratiques qui ont gangrené le message évangélique.

Le christianisme n’est pas une apologie de la souffrance. Les récits de la Passion montrent les horribles tortures infligées à Jésus mais sans y insister de façon masochiste. La première représentation de la croix date du 4ème siècle ; dans les catacombes, on montre Jésus le Bon Pasteur conduisant son troupeau, ou rapportant la brebis perdue, ou s’entretenant avec la Samaritaine, ou partageant les pains. Il est Source d’Eau Vive, Lumière divine. « Soyez toujours dans la joie, réjouissez-vous » répétait Paul.

Hélas plus tard des Saints et des Saintes vont développer une dévotion des plaies, s’infliger des souffrances, exhiber des crucifiés sanglants. Des chefs d’œuvre de peintures vont devenir populaires ...dans l’oubli de la résurrection. La psychologie moderne a mis à nu ces tendances perverses qui nous tentent mais ce dolorisme a fait des ravages.

Conclusion

Jésus, le fils ayant reçu la mission essentielle, obéit aux indications de son Père qui les donne dans les Écritures. On y raconte qu’après des siècles d’esclavage, Dieu a décidé de libérer son peuple :
« Ce mois de Nissan sera pour vous le premier des mois...Le 10 de ce mois, que l’on prenne un agneau par famille : une bête sans défaut, mâle, âgée d’un an. Vous la garderez jusqu’au 14ème jour (pour tester sa bonne santé). On l’égorgera au crépuscule. On prendra du sang, on en mettra sur les deux montants et sur le linteau des maisons. On mangera la chair cette nuit-là, cuite au feu, avec des pains sans levain et des herbes amères...Vous la mangerez en hâte, la ceinture aux reins, les sandales aux pieds, le bâton à la main. C’est la pâque du Seigneur. Je « passerai » par-dessus vous. Ce jour vous servira de mémorial... » (Ex 12).

Jésus vIent accomplir les Écritures : il sait qu’il est l’Agneau. Donc il a calculé son voyage afin d’entrer à Jérusalem le 10 nissan. De même que l’on devait examiner l’agneau pendant 3 jours afin de constater son parfait état, Jésus va être criblé de questions par tous les spécialistes et nul ne parviendra à le prendre en défaut. Aussi le 14, il se donnera à manger à ses disciples comme pain sans levain. Puis il se livrera et ses ennemis le mettront à mort.

Ce qui signifie qu’il faudrait sans doute célébrer « le lundi des rameaux »

Son sang répandu sera pour les disciples le grand signe : ils seront libérés de l’esclavage des observances, du légalisme, de la culpabilité, du nationalisme étroit, du péché qui les rendaient esclaves et ils pourront s’élancer dans le monde entier annoncer la bonne Nouvelle du Royaume universel de la liberté.

Comment n’être pas ébloui par cet accomplissement historique ? Mais Jérusalem n’a pas reconnu celui qui entrait. Il voulait un chef libérateur et il était monté sur un âne. Comme au baptême une colombe était descendue sur lui. Aussi le 14, la foule a rejeté les rameaux, serré les poings et hurlé « A mort ».

Cette année encore, nous entendrons : Nous voulons des œufs, des poussins et du chocolat.

Fr Raphael Devillers, dominicain.

Dictionnaire Jésus

Dictionnaire Jésus

Préface par Renaud Silly et T. Vénard, o.p. (extraits)


« …Les révolutionnaires l’ont singé dans leurs « petits livres », rouges du sang de leurs victimes, mais le seul « petit livre » vraiment révolutionnaire de Jésus est l’Évangile.

La Parole qu’il recèle est puissance active. Jésus semble être le premier Juif qui ait comparé sa parole à une semence, dans ses paraboles orales : il se compare à un semeur sortant pour semer. Il ne veut pas qu’on répète servilement sa parole à l’identique, mais qu’on la développe et qu’on la fasse fructifier en la mettant en pratique (Mt 25, 26). L’Évangile qui en garde la mémoire devient une puissance d’engendrement plus forte encore que n’importe quelle semence créée (Jn 1, 12). L’écoute et la mise en pratique de son enseignement créent des liens « familiaux » plus profonds que n’importe quelle génération humaine. (Mt 12, 49)

Il contient les paroles définitives dont le contenu marque à jamais ceux qui les comprennent. Plus encore, dans sa forme, il recèle le secret du fonctionnement même de la conscience : sa puissance poétique prend possession du cœur de ceux qui écoutent cette Parole, au point de refonder leur désir de dire et de faire ce qui est vrai et bon et juste. Rencontrer Jésus n’est pas rencontrer un enseignement de plus, c’est rencontrer le Logos ou Verbe divin lui-même.

Jésus et Politique

Si le projet de Jésus ne fut pas politique, la révolution qu’il représente pour la conscience humaine ne put pas être sans effets politiques. Promoteur de l’amour inconditionnel, l’Église favorise à la fois un certain conservatisme, plein de sagesse ou d’ironie, comme celui de Jésus qui respectait même les grands prêtres iniques qui le condamnèrent, et une révolution déclenchée par le respect absolu des droits de chaque personne humaine, quelle que soit sa condition.

Surtout il a une puissance subversive intacte. : face au Gouverneur Pilate, en se proclamant roi de ceux qui cherchent la vérité (Jn 18, 37), Jésus relativise à jamais tout pouvoir humain, y compris ceux de nos populocraties aujourd’hui menacées par des États qui se substituent aux consciences individuelles ; y compris, et c’est libérateur à notre époque de massive trahison des clercs jusqu’aux plus hauts niveaux – celui des ecclésiastiques dans sa propre Église.

Le seul devant qui le disciple de Jésus se mette à genoux est Dieu. Lui seul a pouvoir sur les consciences. Jésus ne fait pas la révolution, Jésus n’est pas un révolutionnaire de plus. Il est le principe de la seule révolution qui vaille, celle de la charité. La figure d’un Jésus révolutionnaire politique a fait long feu depuis longtemps…

La seule révolution que l’on puisse prêter à Jésus en est une qui doit être compatible avec l’orthodoxie juive : une révolution religieuse qui atteint chacun dans ce qu’il a de plus précieux et à quoi il est prêt à tout livrer, jusqu’à a sa propre vie, jusqu’au refoulé principal de l’homme contemporain : le désir de Dieu…. ».

Ce n’est pas leur nombre
qui caractérise la vocation des chrétiens dans le monde ;
C’est leur façon de vivre et, tout particulièrement,
leur ouverture à Dieu et leur amour des autres ; quels qu’ils soient...
Les époques de bouleversements durables peuvent être reconnues,
avec le recul du temps, comme des épreuves
où se préparent des renaissances, des renouveaux inespérés.

Mgr Claude Dagens
Après un long silence, Mg Dagens, de l’Académie française, vient de publier : « « Tout ce que j’apprends. Confessions croisées d’un chrétien et d‘un citoyen », ed. du Cerf, 24 e.
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