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7ème dimanche – Année C – 20 février 2022

Évangile de Luc 6, 27-38

7ème dimanche - Année C – 20 février 2022 – Évangile de Luc 6, 27-38
« Les Béatitudes dans Luc adressent une invitation pressante à transformer les relations humaines selon un renversement des valeurs et des hiérarchies traditionnelles. La suite du discours, qui les explicite, est entièrement centré sur l’amour comme principe de ce renversement.

Le texte est d’une extraordinaire densité, ce qui fait sa force d’impact, mais il peut paraître aussi à la limite du supportable.


« Aimez vos ennemis, faites du bien à ceux qui vous haïssent ... ». Devant cette atteinte au sens commun, le lecteur est en droit de se révolter : non seulement les conduites spontanées de réciprocité sont condamnées, mais l’équilibre recherché par les sagesses humaines et l’effort en vue de la justice sont entièrement déstabilisés...

R. Dupont-Roc (in « Jésus – L’Encyclopédie” , p. 359)

Évangile de Luc 6, 27-38

Que signifie l’amour des ennemis ?


« Heureux vous les pauvres !...Aimez vos ennemis » : le grand discours où Jésus propose la manière de vivre selon le Royaume qu’il inaugure dès maintenant sur terre fait entendre d’emblée des déclarations stupéfiantes sinon scandaleuses voire impossibles à observer, diront certains. Comme le disait frère Laurent, il faut bien lire pour comprendre les paradoxes évangéliques.

La lecture liturgique a heureusement fait une correction importante concernant l’auditoire: Jésus ici ne s’adresse pas à « la foule » mais « aux disciples qui l’écoutaient » c.à.d. non aux curieux qui ne cherchent que des miracles et des guérisons mais à des personnes qui écoutent attentivement les enseignements de Jésus et sont décidées à les mettre en pratique. Or ces « disciples » sont très minoritaires, forment de petits groupes couverts de sarcasmes et de critiques, parfois menacés, combattus, dénoncés au pouvoir. Les « ennemis » sont donc des majorités qui rejettent Jésus et son programme, qui cherchent la disparition de ses disciples. Le rapport « disciple » et « ennemi » se joue donc au niveau de la foi.

C’est toujours la Parole de Jésus que nous avons à écouter, à méditer, à approfondir afin qu’elle renforce nos convictions, nous donne la force de résister aux attaques et nous permette de répliquer de manière juste à nos détracteurs. Quelle est cette manière ? Comment incarner l’amour des ennemis ?

Sept manières d’aimer les ennemis


Jésus déclarait à ses disciples :
« Je vous le dis, à vous qui m’écoutez : Aimez vos ennemis.

Faites du bien à ceux qui vous haïssent.
Souhaitez du bien à ceux qui vous maudissent,
Priez pour ceux qui vous calomnient.
A celui qui te frappe sur une joue, présente l’autre joue.
À celui qui te prend ton manteau, ne refuse pas ta tunique.
Donne à quiconque te demande,
et à qui prend ton bien, ne le réclame pas.

Ce que vous voulez que les autres fassent pour vous, faites-le aussi pour eux.


L’amour, ce mot si ambigu, ne désigne pas ici des manifestations affectueuses mais des actes très précis, très décidés, très réalistes : faire du bien à celui qui nous fait du mal, ne pas dire du mal de celui qui nous injurie. Surtout – moyen indispensable afin de pouvoir adopter ce comportement : la prière ! Cet « amour » nous paraîtra à jamais impossible si nous ne demandons pas à l’Esprit Saint la force de nous convertir et d’adopter des comportements tout à fait différents que ceux qui nous tentent.

Au lieu de nous laisser emporter par la colère et de nous venger des avanies subies, il nous faut retourner nos décisions : qu’est-ce que j’aime que l’on me fasse ? eh bien je vais le faire à l’autre. Dur combat : un attrait au lieu d’un rejet, un sourire avenant au lieu d’une répartie féroce.

Les Disciples se distinguent


Si vous aimez ceux qui vous aiment, quelle reconnaissance méritez-vous ?
Même les pécheurs aiment ceux qui les aiment.
Si vous faites du bien à ceux qui vous en font, quelle reconnaissance méritez-vous ?
Même les pécheurs en font autant.
Si vous prêtez à ceux dont vous espérez recevoir en retour, quelle reconnaissance méritez-vous ?
Même les pécheurs prêtent aux pécheurs pour qu’on leur rende l’équivalent.
Au contraire, aimez vos ennemis, Faites du bien et prêtez sans rien espérer en retour.


« Les autres le font bien » : la pression sociale est toujours énorme surtout dans notre monde qui apprend à ne pas se laisser faire, à faire valoir qui l’on est, à poser des croche-pieds, à imposer sa propre personnalité.

Le disciple, malaxé par la Parole de Jésus, instruit par l’Évangile, apprend que « porter sa croix » n’est pas d’abord se priver d’une friandise ou s’inventer une petite pénitence mais, de façon bien plus dure, rompre avec l’escalade des violences et oser être « autre ». Si les chrétiens n’ont pas d’autres attitudes que le tout-venant, à quoi sert l’Évangile ?

La Miséricorde pour être Fils de Dieu


Alors votre récompense sera grande,
et vous serez les fils du Très-Haut, car lui, il est bon pour les ingrats et les méchants.

Soyez miséricordieux comme votre Père est miséricordieux.
Ne jugez pas, et vous ne serez pas jugés ;
ne condamnez pas, et vous ne serez pas condamnés.
Pardonnez, et vous serez pardonnés.
Donnez, et l’on vous donnera : c’est une mesure bien pleine, tassée, secouée, débordante, qui sera versée dans le pan de votre vêtement ; car la mesure dont vous vous servez pour les autres servira de mesure aussi pour vous. »


Dieu offre les bienfaits de la terre à tous : il est miséricorde. En l’imitant, le disciple devient Fils de Dieu. Il est sûr que le pardon qu’il accorde à son ennemi lui revient sur lui-même car Dieu le traitera de la façon qu’il a traité l’autre. Sommes-nous accablés par le poids de nos péchés, voulons-nous être certains que Dieu nous fera miséricorde ? Commençons tout de suite à pardonner à nos ennemis.

Et ne cessons pas de prier : « Pardonne-nous nos offenses comme nous pardonnons à ceux qui nous ont offensés ». Un regard sur le crucifié qui donne sa vie pour moi entraînera mon imitation.



Fr Raphael Devillers, dominicain.
« Aimez vos ennemis »

« Aimez vos ennemis »

par Aelred de Riévaulx, abbé cistercien (+ en 1167)


« Rien ne nous encourage tant à l’amour des ennemis, en lequel consiste la perfection de l’amour fraternel, que de considérer avec gratitude l’admirable patience de Jésus en croix....

Il a supporté patiemment la croix, les clous, la lance, demeurant plein de douceur et de sérénité. Il s’est tu comme un agneau devant celui qui le tondait.

« Père, pardonne-leur » : en entendant cette admirable parole, pleine de douceur, d’amour et d’imperturbable sérénité, que pourrait-on ajouter à cette charité ?

Le Seigneur ne se contenta pas de prier, il voulut aussi excuser : « Père pardonne-leur car ils ne savent pas ce qu’ils font ».

Ils sont sans doute de grands pécheurs, mais ils en ont à peine conscience. Ils crucifient mais ils ne savent pas qui ils crucifient...Ils pensent qu’il s’agit d’un transgresseur de la Loi, d’un usurpateur de la divinité, d’un séducteur du peuple.

Pour apprendre à aimer, que l’homme ne se laisse donc pas entraîner par les impulsions de la chair. Et afin de n’être pas pris par cette convoitise, qu’il apporte toute son affection à la divine patience de la chair du Seigneur.

Pour trouver un repos plus parfait et plus heureux dans les délices de la charité fraternelle, qu’il étreigne aussi ses ennemis dans les bras du véritable amour.

Mais afin que ce feu divin ne diminue pas à cause des injures, qu’il fixe toujours les yeux de l’esprit sur la sereine patience de son bien-Aimé Seigneur et Sauveur »

Denis Mukwege, Docteur et Pasteur - Prix Nobel de la Paix 2018

Denis Mukwege, Docteur et Pasteur
Prix Nobel de la Paix 2018

« L’homme qui répare les femmes »
(suite et fin)


  • Avez-vous hésité, par moments, à raconter ces crimes ?
Non, je n’ai pas hésité. La violence ne connaît pas aucune limite et il faut l’affronter...Le silence est l’arme absolue des bourreaux. Il ne faut jamais cesser de dénoncer. Après, à titre personnel, tout cela m’a bouleversé, j’ai tellement pleuré...Au fil du temps, j’ai fini par me dire qu’une émotion qui n’est pas suivie d’action ne sert à rien. Nous devons canaliser notre tristesse, notre dégoût, notre colère pour les transformer en action. C’est tout le sens de mon engagement.
  • Votre foi n’a jamais vacillé devant ces abominations ?
Non, jamais. Car le Dieu auquel je crois laisse entier notre libre arbitre. Chacun de nous est et reste pleinement responsable de ses actes. Pour moi, l’essentiel, c’est de mettre l’être humain au centre, et donc l’amour. A mes yeux, c’est vraiment le socle sur lequel on peut bâtir un monde plus juste et plus égalitaire. « Aime ton prochain comme toi-même ». Pour moi tout est là. Après, vous pouvez appeler cela une religion, une philosophie, un mode de vie...peu importe. Mais c’est ce qui guide ma conduite.
  • Votre liberté de ton dérange. Vous avez échappé à six tentatives d’assassinat. Vous dites-vous parfois que le prix à payer est trop lourd ?
Le plus marquant pour moi reste la tentative d’assassinat à laquelle j’ai échappé en 2012 et au cours de laquelle mon garde du corps a perdu la vie. A partir de là, j’ai décidé de m’exiler à Boston aux USA. Je ne voulais pas être un héros mort mais un homme vivant.
  • Vous êtes pourtant vite revenu en RD du Congo ?
Oui. Un groupe de femmes de mon pays a en effet écrit au secrétaire général des Nations Unies et au Président de la République. En vain. Alors ces femmes se sont portées volontaires pour assurer ma sécurité et elles se sont mis en tête de vendre des fruits et légumes pour me payer un billet d’avion de retour. Vous imaginez ? Elles vivent avec moins d’un dollar par jour mais elles se cotisent pour me faire revenir ! A partir de là, je suis rentré, c’était plus fort que moi. J’ai la chance d’avoir une épouse exceptionnelle, Madeleine, et elle était partante pour me suivre...
  • Il n’empêche, vous êtes toujours menacé de mort. Comment vit-on avec cette épée de Damoclès au-dessus de la tête ?
Ne pas avoir peur ne serait pas humain. Donc oui j’y pense bien sûr. Aujourd’hui j’ai élu domicile dans l’hôpital de Panzi qui est protégé par des soldats de l’ONU. C’est sûr mais très contraignant. Cela fait neuf ans maintenant que je ne peux plus aller voir mes amis chez eux, que je ne me rends plus au restaurant....Mais ce n’est rien face à la douleur de mes patientes. Tant que je peux, je dois tout faire pour elles...Je suis persuadé que le bien que l’on fait nous revient à un moment donné. C’est en tout cas le monde tel que je rêve. »


Interview (extraits) dans « La Croix » du dimanche 5 12 2021


Tout téléphone portable est marqué de sang. Acheter et diffuser le livre du Dr Mukwege, c’est participer à la lutte pour la justice.

« J’ai été amené à prendre en charge des milliers de femmes congolaises, toutes abominablement violées ou mutilées. Et ce sont les mêmes qui ensuite font preuve d’un courage inouï pour s’en sortir. Certaines se sont lancées dans de longues études... Leurs violeurs pensaient les anéantir... Et non ! Si ces femmes n’abandonnent pas, comment le pourrions-nous, nous-mêmes ? ...

« Leur résilience et leur courage nous montrent à tous la voie.»

Éd. Gallimard- 20 euros.

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