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1er dimanche de l'Avent – Année C – 28 novembre 2021

Évangile de Luc 21, 25 -36

« D’où sors-je ? Où cours-je ?
Dans quel état j’erre ? »

(Pierre Dac, humoriste)

1er dimanche de l'Avent - Année C – 28 novembre 2021 – Évangile de Luc 21, 25 -36
« Le Verbe de Dieu s’est lui-même fait chair... Homme parfait, il est entré dans l’histoire du monde, l’assumant et la récapitulant. Il nous révèle que Dieu est charité et il nous enseigne qua la loi fondamentale de la perfection humaine, et donc de la transformation du monde, est le commandement nouveau de l’amour.

Il apporta la certitude que la voie de l’amour est ouverte à tous les hommes et que l’effort qui tend à instaurer une fraternité universelle n’est pas vain.

Il nous avertit que cette charité ne doit pas seulement s’exercer dans des actions d’éclat mais, et avant tout, dans le quotidien de la vie...

L’attente de la nouvelle terre, loin d’affaiblir en nous le souci de cultiver cette terre, doit plutôt le réveiller ... Les valeurs de dignité, de communion fraternelle et de liberté, tous ces fruits excellents que nous aurons propagés sur terre, nous les retrouverons plus tard, mais purifiés de toute souillure, illuminés, transfigurés, lorsque le Christ remettra à son Père un royaume de vérité et de vie, de sainteté et de grâce, de justice, d’amour et de paix... »

Concile Vatican II – L’Église dans le monde - § 38-39

Évangile de Luc 21, 25 -36

« D’où sors-je ? Où cours-je ? Dans quel état j’erre ? »

(Pierre Dac, humoriste)


Un bon mois avant la société civile, l’Église ouvre son calendrier de l’an 2022. Ce fait est hautement symbolique puisqu’il nous invite, nous chrétiens, à nous élancer les premiers dans la nouvelle étape de l’histoire. Nous ne sommes pas toujours les meilleurs qui donnent l’exemple car l’avant-garde est soumise aux premiers tirs de l’ennemi, aux attaques du mal qui fait tout pour stopper notre élan. Mais le pire malheur est de ne pas remplir notre mission et de rentrer dans les rangs sans oser nous aventurer sur de nouveaux chemins, sans vouloir conduire l’humanité hors des ornières. A quoi sert une Église aussi conventionnelle que le monde et qui se limite à plaquer un vernis religieux par des cérémonies ? Nous entrons EN AVENT signifie aussi nous partons EN AVANT. Nous devons être les prophètes du nouveau monde.

Le Dernier Enseignement de Jésus

Comme Marc que nous écoutions l’année passée, et comme Matthieu, Luc, qui sera notre guide cette année, rapporte l’ultime et très long et très difficile enseignement de Jésus avant d’entrer dans sa Passion. Conscient de sa mort toute proche, il sait que celle-ci n’est pas l’échec de sa mission mais, tout au contraire, le tremplin pour conduire le monde et l’humanité à leur vraie fin.

En ce dimanche inaugural, nous écoutons la fin – et même écourtée – de ce discours. On y distingue trois points.

L’Ébranlement cosmique


Jésus parlait à ses disciples de sa venue : « Il y aura des signes dans le soleil, la lune et les étoiles. Sur terre, les nations seront affolées par la fracas de la mer et de la tempête. Les hommes mourront de peur dans la crainte des malheurs arrivant sur le monde, car les puissances des cieux seront ébranlées... »


Terrifiant début d’année ! Peut-on encore parler de « Bonne Nouvelle » ? Contrairement à Aristote et Marx, Jésus ne croit pas à l’éternité du monde. Mais rassurons-nous : si les savants nous annoncent eux aussi la fin de notre monde, ce serait pour dans quelques millions d’années. A moins que les hommes eux-mêmes, par leur rapacité et leur aveuglement, n’anticipent la catastrophe. Jésus a refusé de préciser toute datation.

La Venue du Fils de l’Homme


« Alors on verra le Fils de l’Homme venir dans la Nuée, avec grande puissance et grande gloire. Quand ces événements commenceront, redressez-vous et relevez la tête, car votre délivrance approche ».


L’événement fondamental est dit de la manière la plus sobre, en quelques mots : la venue triomphale du Christ. On reconnaît tout de suite la citation du prophète Daniel qui a été rapportée à plusieurs reprises :

« Je regardais : des trônes furent installés et un Vieillard (symbole du Père) s’assit : son trône était en flammes de feu...Un fleuve de feu coulait devant lui...Je regardais dans les visions de la nuit, et voici qu’avec les nuées du ciel venait comme un Fils d’homme. Il arriva jusqu’au Vieillard. Et il lui fut donné souveraineté, gloire et royauté. Les gens de tous les peuples le servaient. Sa souveraineté ne passera pas ; sa royauté ne sera jamais détruite...(Daniel 7, 9-14)

Donc l’histoire de l’humanité n’est pas née sans raison pour s’achever dans le néant. Elle n’est pas une suite chaotique et insensée parce que tout se vaut. Si la violence, la haine, la trahison semblent parfois régner, causer des millions de victimes et des horreurs sans nom, le règne véritable est celui de l’amour, de la douceur, de la pauvreté, de la paix.

Edith Stein à Auschwitz, Maximilien Kolbe mourant de faim dans sa geôle sont rois tandis que leurs bourreaux sont prisonniers de leur méchanceté. La Bonne Nouvelle est moquée, bafouée, méprisée mais elle règnera éternellement. L’Évangile est la véritable libération.

On souhaiterait ensuite recevoir quelque lumière sur la suite, la mystérieuse éternité : rien n’en est dit. Ce qui seul importe c’est notre comportement aujourd’hui de disciple.

Exhortation à la vigilance


« Tenez-vous sur vos gardes, de crainte que votre cœur ne s’alourdisse dans la débauche, l’ivrognerie et les soucis de la vie, et que ce jour-là ne tombe sur vous à l’improviste. Comme un filet, il s’abattra sur tous les hommes de la terre. Restez éveillés et priez en tout temps : ainsi vous serez jugés dignes d’échapper à tout ce qui doit arriver et de paraître debout devant le Fils de l’Homme ».


Alors que l’événement essentiel – la venue du Fils de l’homme – était dit en quelques mots, l’exhortation finale est soulignée avec beaucoup d’insistance. Le danger est double en effet : ou bien de ne plus croire qu’il y aura un jugement final et vivre à sa guise selon ses intérêts ou être obsédé par la catastrophe, se perdre dans des supputations sur les signes éventuels et même arrêter toute activité dans la certitude de son imminence.

Ce jour viendra à l’improviste, il s’abattra d’un même coup comme un filet sur l’univers des hommes. Cette fin ne dévalorise pas les projets et les activités, elle n’envoie pas les croyants hors du monde dans le désert ni ne les fait trembler d’une panique perpétuelle. Mais son annonce certaine nous met en garde notamment contre trois tentations la débauche, l’ivrognerie et les drogues, l’enlisement dans un trop grand souci des biens matériels. Remarquons que notre société moderne multiplie les efforts pour accentuer la virulence de ces passions : les médias et les réseaux sociaux deviennent rongés par la pornographie, excitent la fuite dans l’esclavage des addictions, poussent à la rage des achats compulsifs.

« Restez éveillés et priez en tout temps » : la vigilance est l’ultime et importante consigne du Christ. Elle n’appelle pas à l’insomnie ni à l’inquiétude tremblante. Mais la foi ne fait pas de nous des matous ronronnant des cantiques, des bienheureux fiers d’avoir leur « Ciel Ticket Service ».

Gros travail de rester éveillés dans une société qui fait tout pour nous endormir. « Dormez, bonnes gens, tout va bien, vous allez être augmentés. Et ne ratez pas le prochain numéro de votre série favorite ». La publicité est-elle autre chose qu’une terrible machine pour nous hypnotiser et nous rendre dociles comme des moutons de panurge ?

Soyez éveillés, clame Jésus. Sachez reconnaître les enjeux du monde et agir en conséquence.

La Prière dans la Vie

Pour cela, une grande recette essentielle : « Priez en tout temps ». Cela ne signifie évidemment pas ruminer des formules mais cesser de confiner Dieu dans les lieux sacrés et au moment de la prière du soir, ne plus séparer le sacré et le profane, laisser Dieu en-dehors de la vie ordinaire.

Comment Dieu voit-il mes habitudes d’achat, mon usage de la télévision, ma façon de placer mon argent, de chercher de hauts rendements ? « Acheter est un acte moral » disait Benoit XVI. Dans mon entreprise, que fais-je pour refuser des engagements incompatibles avec ma foi ? Pour la question du climat, que puis-je faire ? Tous les Organismes humanitaires appellent au secours car la pauvreté augmente : quel est mon quotient de partage ?

La prière en tout temps ouvre les yeux, les cœurs et les mains.

Conclusion

Jésus n’est pas madame Soleil : au seuil de l’année nouvelle, il ne nous donne pas la liste de tout ce qui va arriver. Il nous dit – et redit – l’essentiel : « Je viens ». L’histoire n’est ni un progrès incessant ni une chute vers l’abîme. « Le Fils de l’Homme vient » : or nous le connaissons bien par les évangiles et nous savons le genre de monde qu’il veut et qu’il réalise avec certitude. Ce sera une humanité qui baigne dans la clarté de la Miséricorde. Ainsi nous est révélé ce que le monde ne trouve pas : le sens.

Les yeux ouverts, remplis de confiance, le cœur éclairé par la prière, conscients de nos fautes et de nos faiblesses, nous nous élançons « en avent »

Bonne année, à vous, chers lectrices et lecteurs, sous la conduite de l’Esprit.

Fr. Raphaël Devillers, dominicain.
La Lutte contre l’Évasion fiscale, Mère des Batailles

La Lutte contre l’Évasion fiscale
Mère des Batailles

En 2016, les auteurs publiaient « Sans domicile fisc » : ils prolongent la réflexion par un manifeste présentant 10 propositions pour les responsables politiques mais aussi pour tout citoyen. – Extraits de leur interview dans « La Croix », 13 11 2021.

« ...Les Pandora Papers ont montré que 9750 milliards d’euros, soit 13 % de la richesse mondiale, étaient dissimulés dans des paradis fiscaux, à l’abri de l’impôt. Preuve que ce système opaque continue de prospérer dans des proportions hallucinantes – alors que nous ne sommes pas encore sortis d’une crise sanitaire dont beaucoup ne se relèveront pas.
  • Les choses pourraient changer avec le projet de réforme fiscale proposée par l’OCDE et adopté par le G20.....
Cette réforme va dans le bon sens mais le chemin est encore long... Ce projet est très en recul par rapport à la première annonce de J. Biden qui proposait un impôt minimum à un taux de 25 %. Ce taux a été fixé à 15 % ! Et il est prévu un tas de dérogations et exonérations accordées aux industries extractives. Enfin l’accord doit encore être approuvé par tous les pays, ce qui n’est pas gagné.

Quelle sera l’attitude de l’Union européenne, en particulier d’États membres comme les Pays-Bas, Malte, Chypre ou le Luxembourg qui sont de fait des paradis fiscaux bien qu’ils ne figurent pas sur la liste de Bruxelles....Au-delà des déclarations tonitruantes des responsables politiques, il faudra une pression forte de l’opinion pour faire avancer les choses.

...On nous assène que la France vit au-dessus de ses moyens, que le dépenses publiques sont trop élevées, que notre modèle social coûte trop cher, que cela nuit à notre compétitivité. Pourtant, dans le même temps, une masse d’argent colossale se dissimule dans les paradis fiscaux. Entre fraude et évasion de capitaux, on estime à 80 milliards d’euros la perte fiscale. Ce trou dans les recettes est le fruit d’un hold-up des ultra-riches et des multinationales, une attaque en règle contre la République et l’intérêt général. Il est donc urgent de réarmer l’État pour lutter contre ce phénomène. Imaginez le changement si l’on parvenait à récupérer cette somme pour répondre aux grands défis du moment que sont la lutte contre le dérèglement climatique et la réduction des inégalités !
  • Dans votre livre, vous faites référence à l’encyclique Laudato Si. Un élu communiste qui cite le pape n’est pas courant !
Je me souviens du discours du pape François à La Paz de 2015. Il parlait de l’argent comme étant « le fumier du diable ». La formule m’avait percuté. Un tas de fumier amassé dans un coin ne sert à rien. Mais le fumier que l’on répand dans un champ le fertilise. A sa façon, le pape est une voix puissante pour refuser la fatalité et la résignation qui conduisent au désespoir ?. Comme lui, je crois à la capacité des humains à se rassembler pour dire « Ca suffit ! ».
  • Vous faites une série de 10 propositions. Laquelle vous paraît la plus forte ?
Réguler la finance est l’affaire de tous. Pas seulement des dirigeants mais aussi des parlementaires ,des syndicats, des ONG, des associations, des citoyens. Voilà pourquoi nous proposons de lancer, sans tarder, une COP Finance, à l’image de ce qui se passe pour la climat, pour fonder les principes et les outils d’une véritable coopération financière et fiscale.
  • Quand on regarde le COP climat, on peut douter de l’efficacité de ce type d’assemblée.
C’est vrai. Les COP climat ne résolvent pas tout, et une COP fiscale se heurtera aux mêmes contraintes. Mais cela permet aussi de poser un constat partagé, de donner un cap, d’ouvrir la voie à une mobilisation collective. L’Europe peut jouer un rôle pilote dans la mise en place de cette nouvelle architecture faïencière mondiale...

Passée l’élection présidentielle, la première mesure serait de réunir les 27 à Bruxelles pour mettre à jour la liste des parais fiscaux de l’Union européenne et se donner une feuille de route afin de bâtir une finance éthique, seule voie de survie de l’humanité

E. et A. BOCQUET : « Sans domicile fisc », éd. Le Cherche Midi, 2016
« Milliards en fuite », même éd. – 17 €

Réflexion sur l’éthique financière en Europe

La Commission des Épiscopats de l’Union Européenne (COMECE) vient de publier un document de réflexion sur l’éthique dans le secteur financier, appelant à une réforme pour réduire les tensions sociales et promouvoir un changement de comportements au niveau des individus et des entreprises.

L’objectif du document de la COMECE est de stimuler un débat au niveau européen sur la promotion d’un changement au sein du secteur financier, afin de réduire les effets négatifs des tensions sociales et de la crise climatique, qui augmentent en raison de la pandémie actuelle de COVID-19. « Dans la perspective chrétienne, le Bien Commun est le critère d’évaluation de nos activités financières. Nous appelons à mettre le soin au cœur de nos finances ». Les marchés bancaires et financiers devraient accorder une plus grande attention aux plus faibles parmi leurs parties prenantes par la notion de « soin » qui est un appel à aller au-delà d’une transaction de marché efficace basée sur l’équivalence, pour prendre soin du partenaire, du client, du fournisseur, de l’environnement, de la communauté locale – les comportements doivent changer au niveau des individus et des entreprises. ( Cathobel – 18 novembre 2021 )

« Nous avons créé de nouvelles idoles. L’adoration de l’antique veau d’or a trouvé une nouvelle et impitoyable version dans le fétichisme de l’argent et dans la dictature de l’économie sans visage et sans un but véritablement humain....

Alors que les gains d’un petit nombre s’accroissent exponentiellement, ceux de la majorité se situent de façon plus éloignée de cette « heureuse » minorité.

Ce déséquilibre procède d’idéologies qui défendent l’autonomie absolue des marchés et la spéculation financière...Une nouvelle tyrannie invisible s’instaure...S’ajoutent à cela une corruption ramifiée et une évasion fiscale égoïste...L’appétit de pouvoir et de l’avoir ne connaît pas de limites »

Pape François : La Joie de l’Evangile § 56
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