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25ème dimanche – Année B – 19 septembre 2021

Évangile de Marc 9, 20-37

Le premier sera le dernier et le serviteur de tous

25ème dimanche - Année B – 19 septembre 2021 – Évangile de Marc 9, 20-37

Pape François : Les 15 maladies de la Curie


7. La maladie de la rivalité et de la vanité. Quand l’apparence, les couleurs des vêtements, les signes honorifiques deviennent le premier objectif de la vie, et que l’on oublie les paroles de saint Paul : « Ne soyez jamais intrigants ni vaniteux, mais ayez assez d’humilité pour estimer les autres supérieurs à vous-mêmes. Que chacun de vous ne soit pas préoccupé de ses propres intérêts ; pensez aussi à ceux des autres » (Ph 2, 3-4).

C'est la maladie qui nous pousse à être des hommes et des femmes faux et à vivre un faux « mysticisme », et un faux « quiétisme ». Paul lui-même les définit comme des « ennemis de la croix du Christ » parce qu'ils « mettent leur gloire dans ce qui fait leur honte ; ils ne pensent qu’aux choses de la terre » (Ph 3, 18-19).

Discours (percutant) du 22 décembre 2014

Évangile de Marc 9, 20-37

Le premier sera le dernier et le serviteur de tous


La réunion de Jésus avec ses apôtres près de la nouvelle cité hellénistique de Césarée a marqué, après son baptême, le second grand tournant de sa vie. Enfin, après bien des recherches, Pierre, au nom des Douze, proclame qu’ils sont arrivés à percevoir l’identité profonde de leur Maître : « Tu es le Messie », tu es bien le Oint de Dieu qui a mission d’accomplir le projet final de Dieu, d’instaurer son Royaume et de sauver le monde. Cette révélation étant enfin transmise, Jésus peut leur enseigner la décision qu’il a prise.

A la suite du long périple qu’ils viennent de réaliser au-delà des frontières d’Israël et au cours duquel il a montré beaucoup de bienveillance envers les païens, Jésus bouleverse ses amis : l’obstacle au projet de Dieu n’est pas dans la perversion païenne mais se trouve en plein cœur d’Israël. Je dois donc aller dénoncer le formalisme de la liturgie, l’hypocrisie des prélats, la dureté des scribes et pharisiens qui font peser sur le peuple le joug insupportable des prescriptions minutieuses, et où la pratique des sacrifices a remplacé l’amour tel que Dieu le veut.

Je sais que ces responsables ne m’accepteront pas, qu’ils me jugeront comme un dangereux blasphémateur : ils me feront souffrir et me mettront à mort. Mais je ne peux me taire, je dois accomplir ma mission jusqu’au bout. Je ne tombe pas dans un piège, je ne suis pas une victime inconsciente. Mon Père me rendra la vie que je vais donner pour lui et le pardon des hommes. Ainsi, par moi, puis ensuite par tous ceux qui voudront me suivre, s’accomplira le salut messianique.

Enseignement inattendu, incroyable, scandaleux. Le Messie qui meurt ?...Pierre se dresse devant Jésus mais celui-ci le rembarre tout sec : « Arrière, satan, tu vois les choses à la manière des hommes ». Et, d’un pas décidé, sans attendre de réponse, Jésus commence ce qu’on appelle « la montée vers Jérusalem ». Elle sera scandée par deux autres annonces de la Passion.

2ème Annonce de la Passion


Jésus traverse la Galilée avec ses disciples et il ne voulait pas qu’on le sache car il les instruisait en disant : « Le Fils de l’homme sera livré aux mains des hommes ; ils le tueront et, trois jours après sa mort, il ressuscitera ». Mais les disciples ne comprenaient pas ces paroles et ils avaient peur de l’interroger.


On l’a dit : le mot « Messie » est un mot piégé car trop souvent pour le peuple il désigne une puissance qui agit avec fracas, écrase les ennemis d’Israël et offre sur le champ santé, bonheur et paix. Jésus ne refuse pas le titre mais en rejette toute fausse interprétation.

Dans cette 2ème annonce, Jésus se donne un autre titre, qu’il est seul à s’attribuer dans l’évangile. « Le Fils de l’homme » désigne un être humain, qui participe au sort commun ; mais aussi, chez le prophète Daniel, un homme mystérieux, comblé de la Gloire divine et que Dieu a élu pour accomplir le Jugement dernier (Dan 7). Ici les persécuteurs ne sont plus les autorités de Jérusalem mais « les hommes » comme si le Messie était promis à une hostilité universelle. « Il sera livré » comme naguère Jean-Baptiste l’a été.

La 1ère annonce avait provoqué l’opposition de Pierre : ici ce sont tous les disciples qui demeurent pantois, éberlués. Même l’annonce de la résurrection ne les rassure pas : ils ne comprennent pas du tout que le Sauveur aille à la mort. Et ils craignent de l’interroger : peut-être parce qu’ils pressentent que s’ils cherchaient à comprendre, ils se sentiraient condamnés à un tel destin. Pour l’instant ils en sont incapables : plus tard, avec l’Esprit, ils comprendront et accepteront d’être livrés et de donner leur vie.

Folie des Grandeurs ou Grandeur du Service


Ils arrivent à Capharnaüm ; une fois à la maison, Jésus leur demandait : « De quoi discutiez-vous en chemin ? ». Ils se taisaient car, en route, ils avaient discuté entre eux pour savoir qui était le plus grand !


Selon la coutume, le maître en itinérance était suivi à quelque distance par ses disciples qui respectaient sa méditation. Mais cela n’a pas empêché Jésus de percevoir que, derrière lui, le ton montait, le vent lui apportait l’écho de ce qui semblait bien une échauffourée.

On fait étape à Capharnaüm et on entre dans la maison : Il s’agit probablement de la maison de Pierre et André qui avait été le centre de la première mission de Jésus (1, 29 ; 2, 1). En privé, car il ne veut pas humilier ses apôtres en public, Jésus, finaud, leur demande le sujet de leur discussion qui semblait tellement passionnée. Pris la main dans le sac, l’air penaud, les gars baissent la tête sans rien dire. Car les lourdauds restent persuadés que, suivant le Messie, ils vont vers Jérusalem donc vers le triomphe : il va y avoir de belles places à prendre. Ce pauvre pêcheur surnommé Pierre, convient-il comme leader avec sa tête de caillou ? Certains se croient bien plus capables que lui.

La course aux honneurs, la rivalité des égos, la vanité des titres et des accoutrements : passions éternelles ! Et si nous allions jeter un coup d’œil à la Curie ?...et à tous les lieux de pouvoir !

Le Petit au Centre


S’étant assis, Jésus appela les Douze et leur dit : « Si quelqu’un veut être le premier, qu’il soit le dernier et le serviteur de tous ».
Prenant un enfant, il le plaça au milieu d’eux, l’embrassa et leur dit : « Celui qui accueille en mon nom un enfant comme celui-ci, c’est moi qu’il accueille. Et celui qui m’accueille, ne m’accueille pas moi, mais Celui qui m’a envoyé ».


Cette rivalité n’est pas chose anodine, comique : il s’agit d’une attitude grave, antiévangélique. C’est pourquoi Jésus « s’assied » : il prend donc la posture du maître qui s’apprête à donner un enseignement d’importance et il s’adresse en priorité aux Douze, aux futurs responsables : à eux d’abord de pratiquer ce service et d’imposer ce style à toute l’Église. C’est bien d’avoir de l’ambition, de vaincre ses peurs, de s’engager au maximum...mais, évangéliquement, la volonté doit être de servir tous les autres, d’accepter de paraître le dernier.

Jésus enchaîne par une parabole en acte. Il appelle un des gamins qui jouaient dans la ruelle et le place au milieu du groupe. Aujourd’hui les enfants sont chéris sinon adulés mais dans l’antiquité il en allait tout autrement. Certes on les aimait mais l’éducation était rude sinon violente et, en tout cas, pas question qu’un petit, sans raison, se mêle aux adultes sérieux et responsables.

Jésus fait un geste très bouleversant en plaçant le petit au centre et en l’embrassant ; et il a une parole toute neuve et déconcertante. La foi dans un Messie serviteur oblige les disciples, et d’abord les responsables de communauté, à centrer leur attitude et leur organisation sur l’accueil du petit, du pauvre, de celui que l’on laisserait volontiers dehors pour « rester entre personnes sérieuses ». Et il faut s’y décider non par contrainte mais « de bon cœur »(signe du baiser).

Cesser de rivaliser pour les honneurs, mettre fin à toute vanité et tout carriérisme, se centrer sur la volonté de servir les petits, c’est s’assurer que du coup Jésus est présent. Et quand le Fils vient, son Père vient aussi.

Conclusions

Les annonces de la Passion permettent d’éviter toute interprétation masochiste de la croix : Jésus ne choisit pas un chemin de souffrance mais il décide d’écarter l’obstacle qui empêche la réalisation du projet de salut de son Père. Sa décision se fait en toute conscience : elle le conduira à la croix voulue par ceux qui ne veulent pas se convertir comme il l’exige. La déformation de la foi donc du Visage de Dieu est pire que sa négation puisque c’est elle qui, fréquemment, en est la cause. L’universalisme du messianisme est une lutte contre tout carcan, tout repli identitaire.

Il est normal que la foi suscite la formation de traditions humaines destinées à la soutenir. Mais il faut savoir discerner, comme Jésus, le moment de leur abandon car le temps entraîne l’évolution des mentalités. N’éternisons pas des pratiques temporaires. Ne plus faire comme « dans le bon vieux temps » n’est pas une décadence.

La centralité du petit ne signifie pas culte du « jeunisme »ni encore moins retour nostalgique à l’enfantillage mais pratique adulte de l’autorité sans rivalités mesquines.

Il est très encourageant de voir que Jésus, qui bute sur l’incompréhension massive de ses collaborateurs, ne les rejette pas pour autant. Le Seigneur nous supporte pourvu que, avec nos balourdises, nos craintes, nos « idées d’hommes », nous demeurions avec lui. Seule, la victoire sur la mort ouvrira les cœurs.

Enfin, si l’on veut actualiser le texte, ne peut-on se demander si aujourd’hui Jésus ne se dirigerait pas ….vers le Vatican ?

Fr. Raphaël Devillers, dominicain.
French economist Gael Giraud in Washington, DC, on August 5, 2021.

Gaël Giraud : 2ème partie

Né en 1970. Ecole Normale sup’ – Math. et Economie Service civil au Tchad : fonde un centre d’accueil pour enfants pauvres – C.N.R.S. – 2004 : entre chez les jésuites – Publie « Illusion financière » - 2020 : professeur à l’Univ. de Washington publie « L’Economie à venir ». Extraits d’une interview dans « La Croix – L’Hebdo » 27.8.21
  • Un vote sur internet vous a désigné dans le trio des personnalités les mieux à même de réunir une gauche émiettée. Pourriez-vous être candidat à la présidentielle de 2022 ?
Non. Comme jésuite et prêtre, je ne le peux pas.
  • Votre plaidoyer pour la transition écologique rejoint le souci du pape pour « la maison commune » (« Laudato Si). Ce pape marque-t-il le retour des chrétiens de gauche ?
La pensée de François va bien plus loin que cela. Pour le comprendre, il faut relire « La Joie de la Foi », un grand texte où le pape partage son expérience et appelle l’Église à renouer avec l’attitude pastorale à laquelle invitait Jean XXIII en lançant le concile Vatican II.

L’attitude pastorale, c’est de croire que les hommes et les femmes d’aujourd’hui sont déjà habités par Dieu, que l’Esprit-Saint travaille en leur cœur, qu’ils ont quelque chose à dire et à faire pour l’accueil du Règne.

La tâche de l’Église est de les écouter, de donner une voix à ceux qui n’en ont pas. Au fond il s’agit de faciliter, de « sourcer » et de promouvoir la foi des fidèles. Mais l’Église court parfois le risque de se substituer à eux et de leur dicter ce qu’ils doivent faire.

Avec « Laudato Si » notamment, le pape vit la pastoralité de l’Église en prenant acte que, désormais, la question qui hante l’immense majorité de l’humanité est le défi climatique. Il s’est mis à l’écoute du monde et a dit tout haut ce que tous vivaient tout bas en 2015. D’où l’extraordinaire retentissement de cette encyclique.
  • Qu’est-ce qui distingue « Laudato Si » de l’écologie politique ?
L’écologie que propose le pape n’est pas une série de mesures à appliquer. C’est une écologie intégrale qui repose sur une anthropologie relationnelle développée dans « Tous frères », encyclique qui développe « Laudato Si ».

L’idée principale est la suivante : ce qui me constitue comme humain, à l’image de Dieu, ce sont les relations dans lesquelles je suis inscrit avec autrui et le vivant en général. Le pape nous appelle à rompre avec la folie du naturalisme occidental....A la place, il nous propose une cosmologie chrétienne, fondée d’abord sur la relation. Et ça, une certaine écologie politique n’est pas encore capable de l’entendre.
  • Vous insistez beaucoup dans votre dernier livre sur la notion d‘hospitalité inconditionnelle...
...Le philosophe Derrida dit de l’hospitalité inconditionnelle qu’elle est à la fois nécessaire et impossible...Mais il ne s’agit pas non plus d’ouvrir nos frontières tous azimuts au monde entier. Au risque de choquer certains, je pense que, pour l’instant, il ne faut pas ouvrir davantage nos frontières pour pouvoir nous concentrer sur l’accueil de ceux de ceux qui arrivent, et leur donner les moyens de s’insérer, tout en lançant un plan Marshall pour le Sahel et le Moyen-Orient.

En réalité l’hospitalité inconditionnelle est une disposition de cœur, qui s’incarne dans des actes. C’est une manière de répondre à la question que pose le Christ : Qui est mon prochain ? Celui ou celle dont je me rends proche. Le contraire, c’est le tribalisme qui consiste à n’accorder d’intérêt ni de valeur qu’à ceux qui appartiennent à ma tribu. Certes l’hospitalité vraiment inconditionnelle est impossible , sauf pour le Christ.

Jésus ne demande pas aux gens s’ils ont une carte bancaire ou un casier vierge pour les rencontrer. Il accueille tout le monde, même les non-Juifs, et se laisse déplacer par eux, jusqu’à transformer le programme messianique dont il hérite pour l’ouvrir à la totalité des nations.

C’est cette hospitalité messianique qui fait le cœur de la vie de Jésus et que nous, chrétiens, sommes appelés à vivre.

Mgr Aupetit, Archevêque de Paris

Lettre pour orientations sur les années à venir

« ...Chacun d’entre nous doit être attentif
aux évolutions de notre société
qui se transforme avec rapidité
et peut déconcerter beaucoup d’entre nous.
Quelle force de proposition pouvons-nous être […] ?
C’est là que nous sommes attendus
et que nous deviendrons missionnaires
en portant un message lumineux […]
dans la réalité de nos existences
et dans la façon dont nous vivrons entre nous l’Évangile
que nous avons reçu comme un trésor à partager ».

3 septembre 2021
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