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24ème dimanche – Année B – 12 septembre 2021

Évangile de Marc 8, 25-35

Perdre sa Vie pour la Sauver

24ème dimanche - Année B – 12 septembre 2021 – Évangile de Marc 8, 25-35
1er septembre

Journée mondiale de prière
pour la Sauvegarde de la Création


Il est inconcevable de rester inactif» tout en étant «conscient des grands défis communs auxquels l’humanité est actuellement confrontée».

«L’indifférence à l’égard de nos semblables qui souffrent et de la destruction de la « très belle’ création est un outrage à Dieu et un mépris de ses commandements.

Là où il y a le respect de la création et l’amour tangible de l’homme ‘aimé de Dieu’, là Dieu est présent».

Patriarche de Constantinople Bartholomeo Ier

Évangile de Marc 8, 25-35

Perdre sa Vie pour la Sauver


Le surprenant et très long voyage de Jésus, du lac de Galilée à la côte libanaise puis traversée d’Israël jusqu’à la Transjordanie et retour, est sans doute très significatif. Il lui a permis de découvrir de l’intérieur le monde païen effervescent, les villes bruyantes, les écoles et le mode de formation de la jeunesse, l’attrait des jeux et du théâtre, mais aussi les marchés où l’on vendait des esclaves. En tout cas, selon Marc, ce séjour a été bienveillant : pas de critiques et d’anathèmes, fréquentation des gens, guérisons d’handicapés et même répétition, avec des païens, du partage des pains.

Monde et Israël : deux mondes si différents et juxtaposés. Et pourtant Israël n’a été élu par Dieu que pour apporter l’Alliance de Dieu à toute l’humanité. L’élection divine n’est pas rejet des autres mais, au contraire, service pour les sauver eux aussi. Or comment faisons-nous notre mission ? se dit Jésus.

Écrasé par l’Empire, Israël fait tout pour préserver son identité : devant la séduction du monde, le danger est de s’assimiler, d’abandonner les vieilles croyances et pratiques des ancêtres. La circoncision des garçons, les interdits alimentaires, l’observance stricte du repos du shabbat marquent très fort l’identité d’Israël mais empêchent pour beaucoup la conversion. Le procédé marche puisque, 21 siècles après, Israël est toujours là en dépit de tous les efforts pour le rayer de la carte.

Les Scribes et les maîtres se dévouent jusqu’à la mort pour faire connaître la Torah par cœur, la commenter sans fin, répandre son amour, sa lecture infinie. La Parole de Dieu doit retentir. - Les Grands Prêtres et les Lévites entretiennent la flamme qui brûle au centre du pays : le Temple de Jérusalem. Dans ce cadre somptueux, les offrandes, les sacrifices se déroulent avec ferveur, les liturgies fastueuses rassemblent des foules immenses qui processionnent en chantant les Psaumes. Les horaires sont précis, les prières immémoriales, les rites intangibles. Le candélabre de la Ménorah brûle sans discontinuer, signe du zèle d’Israël pour son Dieu. Mais un muret traverse le parvis avec l’inscription : Menace de mort à quiconque, incirconcis, franchirait ce mur.

Les Pharisiens forgent une tradition de mille petites pratiques pour que tous les actes de la vie quotidienne soient marqués par la foi. - Dans l’ombre, les farouches résistants (qu’on appellera Zélotes) s’entraînent dans le désert et remplissent les caches d’armes en vue de l’insurrection violente qu’ils projettent, persuadés de vaincre un jour ces Romains qui souillent la terre sainte (L’essai de 66-70 finira en catastrophe !). - Et enfin, les sectaires de Qumran se sont rassemblés à l’écart de tout au bord de la Mer Morte. Dénonçant leurs frères jugés tous pervertis et condamnés à la géhenne tout autant que les païens, ils rythment leurs journées par des ablutions et des bains mille fois recommencés.

Israël et Monde : Jésus poursuit sa réflexion et à nouveau il repart avec ses disciples « en dehors »

La Confession du Messie


Jésus « sortit » (traduction exacte) avec ses disciples vers les villages dans la région de Césarée de Philippe. Chemin faisant, il les interrogeait : « Pour les gens, qui suis-je ? ». Ils répondirent : « Jean-Baptiste...ou Elie...ou un prophète ». Il les relance : « Et vous, que dites-vous ? Pour vous qui suis-je ? ». Pierre prend la parole : « Tu es le Messie ». Alors il leur défend strictement de parler de lui à personne.


La région, au pied du mont Hermon, est luxuriante ; sur la route de Sidon à Damas, le roi Philippe (un des fils d’Hérode) a refondé une grande ville dédiée à l’honneur de l’Empereur. Près de là se trouve la source du Jourdain. Peut-on imaginer Jésus méditant « à la source de l’eau de son baptême » ? Il se souvient de la voix de son appel : « Tu es mon Fils bien-aimé... ». Il interroge ses amis : Pour qui me prend-on aujourd’hui ? Oh, pour un prophète comme les autres. Et vous ? Et Pierre confesse : « Tu es le Christ, c.à.d. le Messie. Non un prophète qui vitupère et rappelle les exigences de la Loi mais celui qui déclenche le processus de l’accomplissement de l’humanité en Dieu. Comme toujours Jésus leur intime l’ordre de ne pas le dire car le titre est grevé de revendications nationalistes et pourrait entraîner un soulèvement du peuple.

Ainsi enfin, après une longue période de vie partagée et d’enseignements, après bien des hésitations et d’interminables débats entre eux, enfin un apôtre exprime la vérité. Cette découverte marque la fin de la 1ère partie de Marc. Mais elle va être suivie par un ouragan de stupeur.

Une Bombe !!


Pour la première fois, Jésus leur enseigna qu’il fallait que le Fils de l’homme souffre beaucoup, qu’il soit rejeté par les anciens, les chefs des prêtres et des scribes, qu’il soit tué, et que, trois jours après, il ressuscite. Jésus disait cela ouvertement.


« Il faut » : cela ne signifie absolument pas que le Fils est manipulé par son Père qui exigerait une victime expiatoire. Il y a longtemps que ce Père a fait comprendre à Abraham qu’il refuse le sacrifice de l’enfant. Rien ne rend plus libre que la vocation. « Il faut » que je réalise le projet de Dieu de sauver les hommes, tous les hommes, donc je dois monter à Jérusalem pour dire à tous les responsables de la Loi et du Temple qu’ils doivent changer, que leurs pratiques et leurs traditions ne changent pas les cœurs et empêchent la conversion des païens. Au lieu de m’écouter, ils vont me haïr, me traiter de blasphémateur et me mettront à mort. Mais mon Père me rendra la vie. Et paradoxalement, ainsi s’accomplira le projet de mon Père. Quelle incroyable révélation ! ...

2ème Bombe : le Pape remis à sa Place


« Pierre, le prenant à part, se mit à lui faire de vifs reproches. Mais Jésus se retourna et, devant les disciples, il interpela vivement Pierre : « Passe derrière moi , satan ! Tes pensées ne sont pas celles de Dieu mais celles des hommes. »


Pierre (comme les autres d’ailleurs) est complètement abasourdi, sidéré: un Messie rejeté et tué par les siens !?? Et il ose admonester Jésus : « Non, non, ne crains pas, nous te défendrons, nous ferons triompher ta cause ». Stupide matamore, imbécile qui n’a pas compris les leçons de l’histoire ! Pire ! Un satan, c.à.d. celui qui fait obstacle à Dieu tel le premier dans le désert qui proposait d’utiliser richesse et puissance. Et Jésus le remet sèchement à sa place – c.à.d. de suiveur.

3ème Bombe : Le disciple a une destinée semblable


Appelant la foule de ses disciples, il leur dit : « Si quelqu’un veut marcher derrière moi, qu’il renonce à lui-même , qu’il prenne sa croix et qu’il me suive. Car celui qui veut sauver sa vie la perdra ; mais celui qui perdra sa vie pour moi et pour l’Évangile, la sauvera ».


Nous pouvons pendant un certain temps être religieux, mais « le nouvel enseignement » de Jésus nous rappelle que la foi est une décision d’être un « disciple », un élève qui s’engage à marcher derrière Jésus jusqu’au bout. Cette décision est personnelle, absolument libre (« SI quelqu’un veut...).

Il s’agit de suivre ce Jésus qui est Messie (Jésus-Christ) donc de prendre part à son entreprise de salut du monde de la manière dont il l’a initiée. La foi chrétienne est une foi messianique (2 mots synonymes) donc englobée dans une œuvre communautaire chargée d’accomplir le projet mondial de Dieu.

« Renoncer à soi-même » ne signifie pas du tout abdiquer toute volonté, devenir mouton de Panurge mais rejeter les tentations et s’assumer en vérité. Devant tous les grands qui le méprisaient et le traitaient en objet, Jésus était « le sujet », l’homme libre qui se donnait en toute conscience. Pris par l’angoisse naturelle devant la mort, il n’était pas pris par l’envie de fuir ni par la haine de ses bourreaux. Le chrétien-disciple renonce au goût du faste, de la puissance et de la grandeur. Non par décision de petitesse mais parce que sa vie, comme celle de Jésus, est une opposition, une dénonciation qui dérangent certains. La pénitence chrétienne n’est pas volonté d’abaissement, de pénitence et de sacrifices mais contrecoup d’une conduite et de jugements qui perturbent certains. « Prendre sa croix » signifie bien que le chrétien est refusé, condamné par tous ceux qui ne se fient qu’à la grandeur et au déploiement de forces.

Jésus n’a pas voulu la souffrance, il a voulu aimer tous les hommes, ses frères d’Israël et les païens et il s’est introduit dans la faille qui les séparait afin de la faire sauter. Les responsables - . Pouvoir religieux ( Caïphe) et pouvoir politique (Pilate ») - ont pressenti immédiatement que ce « messie » doux et pauvre constituait un danger mortel pour eux qui régnaient par la force. Il fallait faire disparaître ce perturbateur. Mais la croix a été l’instrument qui a fait sauter le mur : désormais Juifs et païens ont pu écouter le même évangile et partager la même table de l’amitié.

Conclusion

Dans notre situation de crise grave, demandons-nous, avec le Seigneur, quelle décision prendre pour œuvrer plus efficacement au salut du monde, même si cela nous cause des pertes. Comment renouveler nos célébrations du dimanche que des multitudes ont désertées. Qui perd gagne.

Fr. Raphaël Devillers, dominicain.
Vivre un Monde en Commun

Gaël Giraud, jésuite

Vivre un Monde en Commun

Né en 1970. Ecole Normale sup’ – Math. et Economie - Service civil au Tchad : fonde un centre d’accueil pour enfants pauvres – C.N.R.S. – 2004 : entre chez les jésuites – Publie « Illusion financière » - 2020 : professeur à l’Univ.de Washington.- publie « L’Economie à venir ». – Extraits d’une interview dans « La Croix – L’Hebdo » 27.8.21


  • Vous dénoncez l’imposture de l’économie néoclassique dominante. Pourquoi cette virulence ?
... Soutenir que les individus ne sont reliés entre eux que par un système de prix donné par le marché contredit tout ce que les autres sciences sociales nous disent sur l’humanité, et s’oppose à l’anthropologie chrétienne. En outre ces modèles contredisent la physique et la biologie. Bref l’édifice de cette prétendue science économique est bâti sur du sable.

  • Vous fustigez également la propriété privée ...
Au 18e s., 3 idées fortes vont structurer la modernité européenne. D’abord la désacralisation du pouvoir politique...Ensuite le droit devient une instance censée protéger tout le monde, notamment contre la tyrannie de l’Etat. Enfin la propriété privée est érigée en droit inviolable...Depuis 40 ans, l’Occident a rompu avec ce programme pour rentrer dans le temps du post-libéralisme. On resacralise le pouvoir en confiant nos destins aux marchés financiers ; on tord le droit qu’on assujettit à la défense des intérêts privés d’une tout petite minorité. Enfin on étend la propriété privée à tous les domaines, y compris le corps humain....La privatisation du monde détruit le lien social.

  • A cette vision comptable du capitalisme, vous opposez « les communs » ... Derrière cette notion, il y a une certaine vision de l’homme. En quoi est-ce une vision chrétienne ?
La pandémie permet de comprendre que la santé est un commun mondial...il y a des situations où la propriété privée doit être limitée au nom de l’intérêt public...Dans ma thèse, j’essaie de remonter au mystère central dont fait partie la Cène : « Ceci est mon corps partagé entre vous » : le Christ met en commun son corps pour que nous communiions tous ensemble et non chacun de notre côté. Le christianisme est cette ligne de crête où l’on apprend ce difficile travail de la mise en commun.

Pour relever l’énorme défi du désastre écologique dans lequel nous sommes engagés, il nous faut apprendre à prendre soin de nos communs : le climat, la biodiversité, la santé, la culture...et, pour cela, il faut aller puiser dans des ressource spirituelles. Notamment celles qu’offre le christianisme...Les chrétiens ont une voix singulière à faire entendre.

  • Faire de l’économie, c’est aussi évangéliser ?
Oui je suis en mission en tant qu’économiste. On peut dire que cela participe de l’évangélisation si l’on considère que cela fait partie du travail de sourcier autour de ce que des théologiens appellent la foi élémentaire. La foi chrétienne est d’abord une foi élémentaire, un crédit très simple dans l’existence. C’est pourquoi la Cène n’est pas un grand discours. On mange ensemble. C’est un acte élémentaire de foi dans la vie en commun. Mon humanité repose sur cet acte de foi qui atteste que j’ai reçu la vie gratuitement, qu’elle est belle et qu’elle mérite d’être vécue avec d’autres. C’est ce qui me fait me lever tous le matins.

La tradition chrétienne entre en scène dès lors que l’on cherche à remonter le fil de la sainteté qui habite discrètement ces témoins, ou ces passeurs, jusqu’au Témoin par excellence qu’est Jésus. La rencontre personnelle avec le Christ peut alors nous faire grandir de cette foi élémentaire vers le don de soi pour autrui. « Il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ses amis » (Jn 15, 13)

Mais cette foi élémentaire peut être vécue par tout le monde. Je rencontre des athées – c’est une banalité que de dire cela – qui ont une foi élémentaire davantage chevillée au corps que certains chrétiens. Quand je parle d’économie, j’essaie modestement de contribuer à désensabler cette foi élémentaire. Je crois fondamentalement que nos sociétés sont capables de quitter les mythes de l’économie néoclassique, de sortir des illusions sur le marché qui nous empêchent de faire face sérieusement au drame climatique et sanitaire. Il faut pour cela une décision, un acte de courage spirituel collectif (.................)
Dialogues avec l’économiste sénégalais Sarr
Éd. Les liens qui libèrent, mai 21 – 16 euros

Ce qui est essentiel,

ce n’est pas ce que nous disons à Dieu

mais ce que Dieu nous dit.

Mère Térésa
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