Vigile pascale et dimanche de Pâques — 30 et 31 mars 2024
Textes liturgiques
Toute l’histoire de la Bible, que nous avons à nouveau parcourue ce soir, vise à nous faire comprendre la relation personnelle de Dieu avec l’Humanité, qui l’a tantôt vu comme un Dieu créateur, un Dieu des combats, un Dieu pédagogue, un Dieu agacé parfois, un Dieu repentant toujours, un Dieu qui sans cesse renouvelle son alliance, un Dieu qui, au fur et à mesure que l’Histoire se développe, se rapproche de l’humain, jusqu’à venir en personne lui proclamer son amour. Et cette ultime alliance de Dieu, personnelle et intime en Jésus-Christ, sera elle-même brisée de la manière la plus ignoble, sur une Croix.
L’histoire de la Bible, c’est une incroyable succession d’alliances offertes par Dieu que le peuple ne cesse de rompre. Comme nous-mêmes qui nous prétendons disciples de l’Amour et qui nous laissons parfois emporter par la violence, la haine, l’esprit de vengeance ou même de mort, quand ils nous assaillent. La Bible c’est un chapelet de récits qui présentent tous le même schéma : le peuple se détourne de Dieu, des malheurs s’abattent sur lui, une conversion du cœur survient et l’abondance revient. La Bible c’est le pendule de la grâce, où les cœurs sont tantôt joyeux, tournés vers Dieu, tantôt affligés, affrontés à leurs démons.
A chaque fois, Dieu montre sa compréhension et sa tendresse. A chaque fois, Dieu se rend plus proche. Jusqu’à venir dire en personne l’importance de la constance de l’amour et à l’incarner. Pourtant le balancier de l’inconstance humaine viendra encore s’abattre sur lui : trahisons, reniements, abandons, crucifixion. Nous avons médité ce mouvement le dimanche des Rameaux, où le peuple passe d’un « Hosanna » à un « Crucifie-le », criés à la face de Jésus.
Dieu vient vivre au cœur des hommes et ils le crucifient. C’est l’histoire de notre vie spirituelle. Chaque fois que nous renonçons à l’amour pour le mépris, la vengeance ou la haine, nous crucifions l’amour de Dieu, le Christ en nous. Nous crucifions la joie, nous crucifions l’espérance, nous crucifions l’humanité et la vie. Les ténèbres alors nous gagnent qui annoncent une vie spirituelle mise au tombeau. C’est alors l’enfer en nous. Rien n’est plus supportable.
Puis survient l’Évangile que nous venons de lire, l’Évangile de la Résurrection. Tout ceux qui sont sortis de ténèbres vous le diront : c’est essentiellement inexplicable, de l’ordre du miracle. Ils étaient morts et les voilà revenus à la lumière et à la vie. Le texte évoque très poétiquement ce mystère : « L’ange du Seigneur descendit du ciel, vint rouler la pierre et s’assit dessus. » C’est Dieu qui envoie un messager pour ouvrir nos tombeaux : une personne qui nous rend la joie, un évènement qui nous rouvre le cœur, une suggestion de l’Esprit qui change notre regard – un petit geste, une délicate attention, un détail souvent, qui nous rendent l’espérance. C’est alors la résurrection et la vie. Tout a changé.
La vie c’est une succession de crucifixions-résurrections, de blessures et de guérisons, de mises à mort et de retours à la lumière. Nous sommes bien souvent le jeu de ce mouvement de balancier, quand successivement les drames nous éteignent et l’amour nous ravive.
Ce cycle a pourtant une fin : il y a une résurrection finale. En effet, si de tous nos drames Dieu nous relève, c’est parce qu’à chaque fois, comme le montre le fil de la Bible, il se rend plus proche de nous, plus intime, jusqu’à ce que son amour pleinement s’incarne en nous. La sortie des ténèbres, l’ouverture de nos tombeaux vient de notre proximité retrouvée avec le Christ. C’est la constance de l’amour de Dieu qui arrête le balancier, à mesure qu’il s’incarne en nous.
A ceux qui sont dans les ténèbres, la résurrection du Christ apporte un formidable espoir : il suffit de retrouver l’amour de Dieu pour que s’ouvrent nos tombeaux. Trop souvent nous voyons nos dépressions comme un combat contre les événements, le monde ou nous-mêmes. C’est là que nos regards doivent changer. La dépression c’est avant tout le manque de l’amour de Dieu ; Dieu que l’on ne trouve plus dans sa vie et, de-là, le sens qu’elle perd. Sortir des ténèbres, ce n’est pas d’abord mener un combat, c’est avant tout trouver Dieu.
La Crucifixion et la Résurrection du Christ sont un immense espoir pour tous les humiliés de la Terre, les gens qui ont subi le mépris, l’injustice voire le plus parfait désamour, un immense espoir pour ceux que la méchanceté des hommes a crucifiés, jusqu’à devoir s’affronter aux ténèbres et aux enfers. Le Christ est allé jusque là, il est possible de l’y trouver et de ressusciter avec lui.
La vie n’est pas un éternel combat pour trouver le bonheur ; la vie c’est, malgré le malheur, trouver Dieu. Alors viendra la résurrection.
— Fr. Laurent Mathelot OP