Année C — 8ème dimanche du Temps ordinaire — 2 mars 2025
Évangile selon saint Luc 6, 39-45
Aujourd’hui trois petites paraboles. Elles font suite à l’enseignement spirituel de Jésus de la semaine passée : « Soyez miséricordieux. Ne jugez pas. Ne condamnez pas. Pardonnez. Alors votre récompense sera grande, et vous serez les fils du Très-Haut »
La spiritualité chrétienne c’est être auprès de Dieu, se sentir aimé de lui. Voilà ce que le texte entend par « votre récompense sera grande » : une telle proximité avec Dieu qu’on a le sentiment d’être véritablement ses filles et ses fils. Être miséricordieux, ne pas juger, ne pas condamner, pardonner sont des moyens d’atteindre cette proximité.
Nous avons à prendre soin de notre âme. La spiritualité, comme l’amour, est quelque chose qui s’entretient. Nous avons à prendre soin de notre âme comme de notre corps : la maintenir en bonne santé, l’entraîner, lui faire faire de l’exercice, la nourrir, l’entretenir et régulièrement la purifier, la nettoyer. A ne pas en prendre soin, notre âme pourrait arriver à bien vite sentir le renfermé dans les coins.
De même la spiritualité, nous avons à l’entretenir. Il nous faut réfléchir à son propos : quelle est actuellement ma relation avec Dieu ? Comment se porte ma prière ? Quels sont mes états d’âme ? Comment être plus proche de Dieu ? Comment mieux prier ? Comment purifier, clarifier ma pensée ?
J’aime voir mon âme comme un petit sanctuaire où brille la présence de Dieu, un peu comme le Saint des Saint du Temple de mon corps. Comme tous les sanctuaires, elle se salit de la poussière amenée de l’extérieur. Et il faut de temps en temps la nettoyer. A cet égard, le sacrement de la réconciliation peut être vu comme une douche de l’âme ; à l’instar du sportif qui prend soin de son corps.
Trois petites paraboles donc, qui nous parlent de la spiritualité.
« Un aveugle peut-il guider un autre aveugle ? Ne vont-ils pas tomber tous les deux dans un trou ? » Nous avons tous des stéréotypes. Nous pouvons parfois nous entêter beaucoup sur des idées fausses. Nous avons tous une part d’ombre et de ténèbres qui nous empêche de voir pleinement la beauté des choses, de vivre l’amour limpide, la joie véritable. Nous sommes tous partiellement aveugles à cause de nos souffrances et de nos peurs. Ainsi personne n’est un guide parfait, ni pour autrui, ni pour soi-même. C’est un des grands dangers de la spiritualité chrétienne de se donner un guide autre que Dieu, de n’en faire qu’à sa tête ou de se donner tel ou tel mentor.
Deuxième parabole : « Qu’as-tu à regarder la paille dans l’œil de ton frère, alors que la poutre qui est dans ton œil à toi, tu ne la remarques pas ? ». C’est encore une parabole sur l’aveuglement – l’aveuglement sur nous-même. Nous avons tous cette propension à déceler très facilement le mal que font les autres et à bien plus difficilement reconnaître celui que nous commettons. Il y a là un enseignement spirituel à tirer : ce qui nous insupporte chez autrui est bien souvent le reflet de ce que nous ne voulons pas voir en nous. Il y a un lien entre la paille et la poutre. En réfléchissant sur tous nos petits jugements, toutes nos petites condamnations, tous nos manques de miséricorde, il y a beaucoup à apprendre sur nous-même, sur les poutres qui nous aveuglent.
« Un bon arbre ne donne pas de fruit pourri ; jamais non plus un arbre qui pourrit ne donne de bon fruit. » Nos paroles et nos actes sont toujours le reflet de notre cœur. Le mal que nous commettons vient du mal en nous, tandis que nos bonnes actions reflètent notre bonté d’âme. Lorsqu’on écoute les gens dans l’accompagnement spirituel, on apprend beaucoup d’eux-même. Nous avons tendance à révéler beaucoup de nos sentiments personnels dans le langage. « Ce que dit la bouche, c’est ce qui déborde du cœur. » dit Jésus. C’est spirituellement important, je pense, de s’écouter soi-même parler, soi-même penser, soi-même prier. Il y a là tous les débordements de notre cœur. « Ai-je été grincheux aujourd’hui ? triste ? désagréable avec quelqu’un ? Au contraire, à l’issue de cette journée, ma pensée est-elle joyeuse, dans l’action de grâces ? Nos états d’âme reflètent l’état de notre âme. A en prendre conscience, ils sont eux aussi riches d’enseignement : ai-je besoin de soin ? de purifier mon âme ? ou, au contraire, déborde-t-elle de joie ?
Il est important de relire régulièrement notre vie spirituelle, de mesurer souvent l’ambiance de notre âme et de déceler les coins où elle ne sent pas bon. C’est un exercice difficile que de se pencher objectivement sur soi-même, de sonder son cœur et son âme avec authenticité. Nous avons tendance à nous aveugler, même à peut-être vouloir fuir ou enfouir certaines réalités déplaisantes de notre vie. C’est un exercice difficile de faire la lumière sur les ténèbres en soi.
Mais c’est un exercice nécessaire. Nous avons soif d’une vie lumineuse et elle ne sera possible qu’en faisant toute la clarté sur nos parts d’ombre. C’est à travers notre âme, notre cœur et notre esprit que nous vivons nos relations d’amour. Veiller à leur santé, travailler à leur limpidité revient à se donner la capacité de mieux aimer.
— Fr. Laurent Mathelot OP