« Qu’elle est donc grande la puissance de la Prière ! on dirait une reine ayant à chaque instant libre accès auprès du roi et pouvant obtenir tout ce qu’elle demande. Il n’est point nécessaire pour être exaucée de lire dans un livre une belle formule composée pour la circonstance ; s’il en était ainsi…hélas ! que je serais à plaindre ! …En dehors de l’Office divin que je suis bien indigne de réciter, je n’ai pas le courage de m’astreindre à chercher dans les livres de belles prières, cela me fait mal à la tête, il y en a tant !…et puis elles sont toutes plus belles les unes que les autres…Je ne saurais les réciter toutes et ne sachant laquelle choisir, je fais comme les enfants qui ne savent pas lire, je dis tout simplement au Bon Dieu ce que je veux lui dire, sans faire de belles phrases, et toujours Il me comprend…
Pour moi la prière, c’est un élan du coeur, c’est un simple regard jeté vers le Ciel, c’est un cri de reconnaissance et d’amour au sein de l’épreuve comme au sein de la joie ; enfin c’est quelque chose de grand, de surnaturel qui me dilate l’âme et m’unit à Jésus.
Je ne voudrais pas cependant, ma Mère bien aimée, que vous croyiez que les prières faites en commun au chœur, ou dans les ermitages, je les récite sans dévotion. Au contraire j’aime beaucoup les prières communes car Jésus a promis de se trouver au milieu de ceux qui s’assemblent en son nom, je sens alors que la ferveur de mes sœurs supplée à la mienne mais, tout seule (j’ai honte de l’avouer), la récitation du chapelet me coûte plus que de mettre un instrument de pénitence …
Je sens que je le dis si mal, j’ai beau m’efforcer de méditer les mystères du rosaire, je n’arrive pas à fixer mon esprit…Longtemps je me suis désolée de ce manque de dévotion qui m’étonnait, car j’aime tant la Sainte Vierge qu’il devrait m’être facile de faire en son honneur des prières qui lui sont agréables. Maintenant, je me désole moins, je pense que la Reine des cieux étant « ma Mère », elle doit voir ma bonne volonté et qu’elle s’en contente.
Quelquefois lorsque mon esprit est dans une si grande sécheresse qu’il m’est impossible d’en tirer une pensée pour m’unir au Bon Dieu, je récite « très lentement » un « Notre Père » et puis la salutation angélique (Ave Maria) ; alors ces prières me ravissent, elles nourrissent mon âme bien plus que si je les avais récitées précipitamment une centaine de fois…
La Sainte Vierge me montre qu’elle n’est pas fâchée contre moi, jamais elle ne manque de me protéger aussitôt que je l’invoque. S’il me survient une inquiétude, un embarras, bien vite je me tourne vers elle et toujours, comme la plus tendre des Mères, elle se charge de mes intérêts… ».
Ste Thérèse : « Manuscrits autobiographiques » – éd. de poche
On ne dit plus « Histoire d’une âme », titre donné par sa Sœur.
« Œuvres complètes de Thérèse de Lisieux »
( manuscrits, lettres, poésies, théâtre, notes, biographie…)
– éd. Cerf / DD Brouwer – 1600 pages