Homélies et commentaires par fr. Laurent Mathelot OP

Résurgences

Félix et Élisabeth Leseur, d’une vie mondaine à une vie en Dieu

Parisiens de la Belle Époque, Félix et Élisabeth Leseur forment un couple séduisant, cultivé et plein d’esprit, enraciné dans le monde qui l’entoure. Dans « Élisabeth et Félix Leseur, itinéraire spirituel d’un couple », Bernadette Chovelon s’attache à dépeindre ces deux personnes qui ont su s’édifier l’une l’autre.

Félix et Élisabeth Leseur font partie de ces couples inspirants. Parisiens de la première moitié du XXe siècle, si leur vie n’a pas toujours été rose, elle s’est pourtant révélée ô combien riche. Elle a la foi, lui ne veut pas en entendre parler. S’ils ne se retrouvent pas sur ce point fondamental, cela ne les empêche pas d’être profondément unis, rassemblés par leur amour commun pour la musique, la littérature et les voyages.

La maladie, la première épreuve du couple

Élisabeth Arrighi et Félix Leseur se marient à Paris le 31 juillet 1889 dans la belle église de Saint-Germain-des-Prés. Une chose essentielle cependant les sépare dès le début de leur vie de couple : lui est un esprit résolument rationaliste et athée, tandis qu’elle est animée d’une foi profonde. Malgré cela, ils s’aiment de tout leur cœur et sont réunis par une sensibilité artistique partagée.

Après deux mois de mariage, Élisabeth montre les premiers signes d’une maladie qui l’accompagnera toute sa vie, malgré des phases de rémission. Elle apprend également qu’elle ne pourra pas avoir d’enfants. C’est l’une des premières épreuves du couple. Pourtant, ils continuent à rester fidèlement attachés l’un à l’autre et mènent une vie mondaine d’intellectuels aisés de la fin du XIXe siècle.

Une vie mondaine virevoltante

Félix, que ses amis surnomment affectueusement « Félix le Magnifique », est un homme brillant et raffiné. Lui qui se dirigeait au départ vers une carrière de médecin devient journaliste à La République Française, quotidien anticlérical fondé par Léon Gambetta, ce qui lui permet de rencontrer de nombreuses personnalités du monde politique, financier et artistique, qu’il présente à sa jeune femme. Le couple multiplie les sorties, goûtant pleinement aux opportunités enthousiasmantes qu’offre le Paris de la Belle Époque : bals, réceptions, concerts, grands restaurants et soirées au théâtre…

À 34 ans, Félix est promu directeur d’une importante compagnie d’assurances. Une véritable aubaine qui apparaît comme la reconnaissance de ses compétences. Quant à Élisabeth, si elle n’a pas d’activité professionnelle, elle n’a de cesse de se cultiver (elle apprend le latin, le russe) et de s’investir dans différents projets caritatifs comme l’éducation des enfants en situation de pauvreté, tout en prenant soin de son mari qu’elle aime passionnément. Les deux époux voyagent beaucoup : Tunis, Carthage, Rome, Salzbourg, Saint-Pétersbourg, Athènes… Tous deux grand bibliophiles, ils aiment également échanger autour de leurs lecture foisonnantes.

Félix, un changement de cap radical

Si son mari cherche à la détourner de sa foi, Élisabeth vit cependant un itinéraire spirituel dont il ne mesure alors pas la portée. Elle approfondit sa foi à la lumière de son intelligence et au fil de nombreuses lectures, telles que les écrits de Jacques Maritain et sainte Thérèse d’Avila. Bien que Félix admire la force morale, le courage et la droiture de sa femme, il reste profondément athée et ressent de l’exaspération vis-à-vis de sa foi qui lui échappe et qu’il considère comme mièvre, loin des pensées et réflexions de haute volée qui la caractérisent. Le couple demeure cependant profondément lié au-delà de ces divergences sur les questions religieuses. Peu à peu, la santé d’Élisabeth se dégrade et elle décède le 3 mai 1914, alors qu’ils sont sur le point de célébrer leurs noces d’argent (25 ans de mariage).

Ce n’est qu’après la mort de son épouse adorée que Félix découvrira le testament spirituel qu’elle lui a laissé. Voici les mots pleins d’espérance qu’elle adresse à celui qu’elle appelle « mon Félix bien-aimé » : « Achève, ta vie durant, d’acquitter […] la dette immense que j’ai envers le Père adoré que là-haut mes prières t’obtiendront de connaître et d’aimer. Lorsque, toi aussi, tu seras devenu son enfant, […] consacre ton existence […] au don de toi-même dans la charité. Sois chrétien et apôtre ». La lecture de son Journal le fortifie. Il sent sa présence à ses côtés. Lui qui n’a rien partagé de sa foi durant leurs longues années de vie à deux se transforme à son tour et fait pas à pas une expérience de conversion. Résolu à consacrer son existence à ce Dieu qu’il a renié une grande partie de sa vie, il rentre chez les Dominicains, devient frère Marie-Albert et fait profession solennelle le 23 mars 1923. Il est ordonné prêtre le 8 juillet suivant. Il donne de nombreuses conférences en France et s’attache à faire connaître la vie héroïque de sa chère épouse. Le « bouffeur de curé » devenu prêtre s’éteint à son tour le 25 février 1950. Aujourd’hui, le procès de béatification d’Élisabeth est en cours.

Domitille Farret d’Astiès – publié sur Aleteia


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