Dignitas infinita fournit aux catholiques et à toute personne intéressée une réflexion argumentée sur la dignité humaine. Donnant d’abord les principes fondamentaux, le texte égrène treize situations particulières réparties sur trois grandes dominantes : économie, sexualité et société, dont voici une sélection.
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Le Vatican a publié, ce lundi 8 avril, un nouveau document sur la dignité humaine, élaboré par le dicastère pour la doctrine de la foi. Voici une sélection des grandes dominantes.
§1.(Dignitas infinita) Une infinie dignité, inaliénablement fondée dans son être même, appartient à chaque personne humaine, en toutes circonstances et dans quelque état ou situation qu’elle se trouve. Ce principe, pleinement reconnaissable même par la seule raison, fonde la primauté de la personne humaine et la protection de ses droits. L’Église, à la lumière de la Révélation, réaffirme et confirme sans réserve cette dignité ontologique de la personne humaine (…). C’est de cette vérité qu’elle tire les raisons de son engagement envers les plus faibles et les moins dotés de pouvoir.
§11. La Révélation biblique enseigne que tous les êtres humains possèdent une dignité intrinsèque car ils sont créés à l’image et à la ressemblance de Dieu (…) L’humanité a une qualité spécifique qui fait qu’elle n’est pas réductible à la pure matérialité. L’« image » ne définit pas l’âme ou les capacités intellectuelles, mais la dignité de l’homme et de la femme. L’un et l’autre, dans leur relation d’égalité et d’amour mutuel, remplissent la fonction de représentation de Dieu dans le monde et sont appelés à prendre soin du monde et à le nourrir. Être créés à l’image de Dieu signifie donc posséder en nous une valeur sacrée qui transcende toutes les distinctions sexuelles, sociales, politiques, culturelles et religieuses. Notre dignité nous est donnée, elle n’est ni revendiquée ni méritée. Chaque être humain est aimé et voulu par Dieu pour lui-même et est donc inviolable dans sa dignité. (…)
§15. Pour clarifier davantage le concept de dignité, il est important de souligner que la dignité n’est pas accordée à la personne par d’autres êtres humains (…).
§27. La dignité de l’être humain comprend également la capacité, inhérente à la nature humaine elle-même, d’assumer des obligations à l’égard d’autrui.
Cas particuliers de violation de la dignité humaine
§34. Pour signaler quelques-unes des nombreuses et graves violations de la dignité humaine dans le monde contemporain, nous pouvons rappeler ce que le concile Vatican II a enseigné à cet égard. Il faut reconnaître que s’oppose à la dignité humaine « tout ce qui s’oppose à la vie elle-même, comme toute espèce d’homicide, le génocide, l’avortement, l’euthanasie et même le suicide délibéré (*) ». Porte également atteinte à notre dignité « tout ce qui constitue une violation de l’intégrité de la personne humaine, comme les mutilations, la torture physique ou morale, les contraintes psychologiques (*) ». Et finalement « tout ce qui est offense à la dignité de l’homme, comme les conditions de vie sous-humaines, les emprisonnements arbitraires, les déportations, l’esclavage, la prostitution, le commerce des femmes et des jeunes ; ou encore les conditions de travail dégradantes qui réduisent les travailleurs au rang de purs instruments de rapport, sans égard pour leur personnalité libre et responsable (*) ». (…) La peine de mort, elle aussi, viole la dignité de tout être humain, inaliénable en toutes circonstances. Il faut au contraire reconnaître que « le rejet ferme de la peine de mort montre à quel point il est possible de reconnaître l’inaliénable dignité de tout être humain et d’accepter sa place dans cet univers. Étant donné que si je ne la nie pas au pire des criminels, je ne la nierai à personne, je donnerai à chacun la possibilité de partager avec moi cette planète malgré ce qui peut nous séparer (**) ». Il semble également opportun de rappeler la dignité des personnes incarcérées, souvent contraintes de vivre dans des conditions indignes, et que la pratique de la torture porte atteinte à la dignité de tout être humain au-delà de toute limite, même si l’on est coupable de crimes graves.
(*) Gaudium et spes, n. 27.
(**) Fratelli tutti, n° 269.
La guerre
§38. (…) « Avec son cortège de destructions et de douleurs, la guerre porte atteinte à la dignité humaine à court et à long terme. Aucune guerre ne vaut les larmes d’une mère ayant vu son enfant mutilé ou mort ; aucune guerre ne vaut la perte de la vie ne serait-ce que d’une seule personne humaine, être sacré, créé à l’image et à la ressemblance du Créateur ; aucune guerre ne vaut l’empoisonnement de notre maison commune ; et aucune guerre ne vaut le désespoir de ceux qui sont forcés à quitter leur patrie et sont privés, d’un moment à l’autre, de leur maison et de tous les liens familiaux, amicaux, sociaux et culturels qui ont été construits, parfois pendant des générations (*). »
(*) François, Message aux participants du 6e Forum de Paris sur la paix (10 novembre 2023).
La traite des personnes
§42. Pour ces raisons, l’Église et l’humanité ne doivent pas renoncer à lutter contre les phénomènes « de commerce d’organes et de tissus humains, d’exploitation sexuelle d’enfants, de travail d’esclave – y compris la prostitution –, de trafic de drogues et d’armes, de terrorisme et de crime international organisé. L’ampleur de ces situations et le nombre de vies innocentes qu’elles sacrifient sont tels que nous devons éviter toute tentation de tomber dans un nominalisme de déclarations à effet tranquillisant sur les consciences. (…) En substance, (la traite) nie la dignité humaine d’au moins deux manières : « La traite défigure l’humanité de la victime, en offensant sa liberté et sa dignité. Mais, dans le même temps, elle déshumanise celui qui la commet (*) ».
(*) François, Fratelli tutti, n. 188.
Gestation pour autrui
§50. La pratique de la maternité de substitution porte atteinte, en même temps, à la propre dignité de la femme qui y est contrainte ou qui décide librement de s’y soumettre. Avec une telle pratique, la femme se détache de l’enfant qui grandit en elle et devient un simple moyen asservi au profit ou au désir arbitraire d’autrui. Ceci est en contradiction totale avec la dignité fondamentale de tout être humain et avec son droit à être toujours reconnu pour lui-même et jamais comme l’instrument de quoi que ce soit d’autre.
L’euthanasie et le suicide assisté
§52. Il est certain que la dignité de la personne malade dans un état critique ou terminal exige de chacun les efforts appropriés et nécessaires pour soulager ses souffrances par des soins palliatifs appropriés et en évitant tout acharnement thérapeutique ou toute intervention disproportionnée. Ces soins répondent au « devoir constant de comprendre les besoins du malade : besoins d’assistance, soulagement de la douleur, besoins émotionnels, affectifs et spirituels (*) ». Mais un tel effort est tout à fait différent, distinct, et même contraire à la décision d’éliminer sa propre vie ou la vie d’autrui sous le poids de la souffrance. La vie humaine, même dans sa condition douloureuse, est porteuse d’une dignité qui doit toujours être respectée, qui ne peut être perdue et dont le respect reste inconditionnel. En effet, il n’y a pas de conditions sans lesquelles la vie humaine cesse d’être digne et peut donc être supprimée.
(*) Congrégation pour la doctrine de la foi, Lettre Samaritanus bonus (14 juillet 2020), V, n. 4.
Publié dans La Croix, le 08/04/2024.