Homélies et commentaires par fr. Laurent Mathelot OP

Résurgences

Comment le « boson de Higgs » a ravivé le débat autour de l’existence d’un Dieu créateur

Prix Nobel en 2013 pour ses travaux sur le « boson de Higgs », le physicien écossais Peter Higgs est mort lundi 8 avril. À l’époque, la découverte de cette particule, clé de voûte de la structure fondamentale de la matière, avait ravivé dans certains milieux chrétiens le débat autour de l’existence de Dieu.

Avec le boson de Higgs, a-t-on encore besoin de croire en Dieu ? Cette question émerge timidement dans la presse internationale, en ce 4 juillet 2012, alors que l’Organisation européenne pour la recherche nucléaire (CERN) vient d’en officialiser la découverte. Considérée comme la clé de voûte de la structure fondamentale de la matière, cette particule élémentaire – qui donne sa masse à nombre d’autres – était une prédiction théorique lancée quarante-huit ans plus tôt notamment par le physicien Peter Higgs (1), Prix Nobel de physique en 2013 (avec François Englert et Robert Brout) et dont on a appris le décès lundi 8 avril à l’âge de 94 ans.

Largement saluée par la communauté scientifique, l’annonce de cette avancée a aussi cristallisé l’inquiétude dans des milieux chrétiens conservateurs, en particulier aux États-Unis, où les thèses créationnistes restent relativement créditées. En cause, leur crainte que cette nouvelle trouvaille – passant plutôt pour corroborer la théorie du « big bang » – soit invoquée pour récuser l’existence d’un Dieu créateur.

« Le boson de Higgs est un clou porté dans le cercueil de la religion », appuyait ainsi un chercheur d’Oxford, Peter Atkins, en juillet 2012 sur les ondes de la BBC. Lawrence Krauss, physicien théoricien à l’université d’État de l’Arizona, estimait lui que cette particule « pose une nouvelle histoire de notre création », indépendante d’un créateur surnaturel.

La « particule de Dieu »

Dans des efforts de vulgarisation de cette découverte, le « boson de Higgs » a de surcroît régulièrement été affublé d’un surnom pouvant prêter à confusion : celui de « particule de Dieu ». Il le doit notamment à sa nature – le boson étant présent partout, tout en étant particulièrement insaisissable –, mais surtout à un jeu de mots en anglais du physicien Leon Lederman. Prix Nobel en 1988, ce dernier l’avait en effet qualifié de « Goddam particle » (« fichue particule »), appellation qui avait ensuite été raccourcie en « God particle » (« particule de Dieu ») dans l’un de ses ouvrages de vulgarisation scientifique sur le sujet. À plusieurs reprises, Peter Higgs, lui-même athée, s’était érigé contre l’utilisation de ce surnom, par crainte d’offenser les croyants.

Au croisement entre religion et science, le débat s’était à l’époque invité jusqu’à Rome. Astrophysicien au sein de l’Observatoire du Vatican, dont il est devenu en 2015 le directeur, le jésuite Guy Consolmagno avait ainsi tenu à rappeler que l’expression « particule de Dieu » relevait d’une plaisanterie. Selon lui, la religiosité du terme pouvait au plus être comprise comme un « don de Dieu afin d’aider à expliquer comment la réalité fonctionne dans le monde des particules élémentaires ».

« Mauvaise raison de croire en Dieu »

« Cette façon de combler nos lacunes avec Dieu n’est pas seulement une mauvaise raison de croire en Dieu, mais elle est aussi de la mauvaise science », appuyait encore le responsable religieux, avant de saluer publiquement cette découverte scientifique majeure.

Dans un article publié le 6 juillet 2012, l’hebdomadaire catholique La Vie citait encore, dans un registre plus spirituel, un tweet du pasteur anglais Nicky Gumbel, fondateur des Parcours Alpha, qui exhortait alors à « honorer les scientifiques qui ont découvert la particule de Dieu… en adorant Dieu qui l’a créée tout comme eux ».

Malo Tresca, Journal La Croix, le 10/04/2024.


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