Lettre pastorale de Mgr Jean Legrez, op.,
Archevêque d’Albi
Extraits
Le sacerdoce du Seigneur Jésus consiste à s’offrir lui-même : « Quand il s’offre pour notre salut, il est à lui seul l’autel, le prêtre et la victime » (Préface de Pâques, V). Configuré au Christ par le baptême, être prêtre devient l’apanage de chaque baptisé. « Ceux, en effet, qui croient au Christ, qui sont « re-nés » non d’un germe corruptible mais du germe incorruptible qui est la Parole du Dieu vivant (cf. 1P 1, 23), non de la chair, mais de l’eau et de l’Esprit Saint (cf. Jn 3, 5-6), ceux-là constituent finalement « une race élue, un sacerdoce royal, une nation sainte, un peuple que Dieu s’est acquis, ceux qui autrefois n’étaient pas un peuple étant maintenant le Peuple de Dieu. » (1P 2, 9-10) » (LG n°9) Saint Jean- Paul II, développant la pensée du Concile, a précisé dans son exhortation apostolique Christifideles Laici : « Le baptême signifie et produit une incorporation mystique mais réelle au Corps crucifié et glorieux de Jésus. Par le moyen du sacrement, Jésus unit le baptisé à sa mort pour l’unir à sa résurrection, le dépouille du « vieil homme » et le revêt « de l’homme nouveau », c’est-à-dire de Lui-même. » (CL n°12) Déjà dans sa première épître, l’apôtre Pierre s’adressant aux baptisés écrivait : « Soyez les pierres vivantes qui servent à construire le Temple spirituel, et vous serez le sacerdoce saint, présentant des offrandes spirituelles que Dieu pourra accepter à cause du Christ Jésus. » (1P 2, 5)
Saint Jean-Paul II décrit avec précision le sacerdoce commun des fidèles dans la même exhortation : « Les fidèles laïcs participent à l’office sacerdotal, par lequel Jésus s’est offert Lui-même sur la Croix et continue encore à s’offrir dans la célébration de l’Eucharistie à la gloire du Père pour le salut de l’humanité. Incorporés à Jésus-Christ, les baptisés sont unis à Lui et à son sacrifice par l’offrande d’eux-mêmes et de toutes leurs activités (cf. Rm 12, 1-2). Parlant des fidèles laïcs, le Concile déclare : « Toutes leurs activités, leurs prières et leurs entreprises apostoliques, leur vie conjugale et familiale, leurs labeurs quotidiens, leurs détentes d’esprit et de corps, s’ils sont vécus dans l’Esprit de Dieu, et même les épreuves de la vie, pourvu qu’elles soient patiemment supportées, tout cela devient offrandes spirituelles agréables à Dieu par Jésus-Christ (cf. 1P 2, 5) ; et dans la célébration eucharistique ces offrandes rejoignent l’oblation du Corps du Seigneur pour être offertes en toute piété au Père. C’est ainsi que les laïcs consacrent à Dieu le monde lui-même, rendant partout à Dieu dans la sainteté de leur vie un culte d’adoration. » » (CL n° 14)
Ainsi, il est clair qu’il ne s’agit pas pour les fidèles laïcs d’imiter tel ou tel aspect des activités d’un ministre ordonné. Comme le prêtre dans l’Ancienne Alliance est celui qui offre au Temple le sacrifice, l’office sacerdotal de chaque baptisé consiste d’abord et avant tout dans l’offrande de toute son existence en union avec le Christ. Par le baptême, nous sommes devenus enfants de Dieu, appelés à vivre à la manière du Fils premier-né, le Christ, en imitant donc son obéissance au Père jusque dans sa passion et sa mort sur une croix. Jésus est le grand prêtre parfait qui, par son offrande, a obtenu pour l’humanité une libération définitive : « Par son unique offrande, il a mené pour toujours à leur perfection ceux qu’il sanctifie » (He 10, 14). C’est l’Esprit Saint, obtenu en faveur des croyants par la Pâque du Christ, qui les rend capables d’entrer dans les sentiments de Jésus et d’offrir à leur tour leur vie au Père en union avec lui et comme lui.
Cet acte d’offrande, auquel chaque baptisé est appelé, embrasse tous les aspects de son existence, se vit dans la prière et culmine dans une participation active à chaque eucharistie spécialement lors de l’eucharistie dominicale. « Participant au sacrifice eucharistique, source et sommet de toute la vie chrétienne, les fidèles offrent à Dieu la victime divine et s’offrent eux-mêmes avec elle ; ainsi, tant par l’oblation que par la sainte communion, tous, non pas indifféremment mais chacun à sa manière, prennent une part originale dans l’action liturgique. » (LG n° 11) Chaque jour, au Temple de Jérusalem, le prêtre, matin et soir, offrait un sacrifice et laissait brûler l’encens dont la fumée parfumée montant vers le Ciel était l’expression de la confiance d’Israël en son Dieu et de son abandon à sa Providence. Le Christ offrant sa vie sur la croix s’inscrit pour une part dans la tradition des sacrifices de l’Ancienne Alliance, mais d’une manière tout à fait nouvelle puisque par le don de son propre sang, non plus celui d’animaux, son sacrifice est d’une efficacité absolue.
Être prêtre consiste à s’unir de tout son être aux sentiments du Christ accomplissant la volonté du Père sur la croix pour le salut du monde. À vue humaine, cela paraît impossible, mais je constate dans la vie des saints que lorsqu’ils choisissent de remettre totalement leur vie à Dieu, ils vivent dans la joie et portent du fruit. « Père, entre tes mains je remets mon esprit » : la dernière parole de Jésus en croix, devient le maître mot de tout baptisé et exprime parfaitement l’exercice du sacerdoce commun des fidèles.
Saint Pierre l’écrit dans sa première épître « à ceux qui sont choisis par Dieu » ; c’est-à-dire les fidèles du Christ : « Vous êtes une descendance choisie, un sacerdoce royal, une nation sainte, un peuple destiné au salut pour que vous annonciez les merveilles de celui qui vous a appelés des ténèbres à son admirable lumière. » (1P 2, 9) Par une vie offerte, le baptisé exerce le sacerdoce commun des fidèles et, simultanément, il fait déjà connaître le salut accordé par l’unique grand prêtre, Jésus-Christ.