Tous les Saints et les fidèles défunts — 1er et 2 novembre 2025
Évangile selon saint Matthieu Mt 5, 1-12a
A l’occasion de la Toussaint, sans doute est-il utile de rafraîchir nos esprits sur l’enseignement de l’Église à propos de l’au-delà de la mort. Ce n’est en effet pas la mort que nous honorons lors de ces jours saints, mais la vie éternelle. La Toussaint est une fête joyeuse et la célébration des fidèles défunts, une célébration de l’espérance. Comme l’écrit le Catéchisme de l’Église, Dieu, dans sa tendresse infinie, a un plan pour chacun de nous après la mort (CCC 1021).
Dans l’Apocalypse pour la Toussaint, saint Jean nous montre une « foule immense » au ciel, lavée dans le sang de l’Agneau, chantant la louange de Dieu. Et dans le Livre de la Sagesse pour les défunts, nous entendons que « les âmes des justes sont dans la main de Dieu, et aucun tourment ne les atteindra ». Enfin, l’Évangile de Jean nous assure : « Quiconque voit le Fils et croit en lui a la vie éternelle ; et il le ressuscitera au dernier jour. » Ces textes ne sont pas des idées abstraites ; ils éclairent le chemin que nous empruntons tous après la mort. Alors allons-y, pas à pas.
Premier pas : la mort et le jugement immédiat
Le moment de la mort arrive comme un rideau qui se lève sur une scène nouvelle. Notre âme – notre partie immortelle à l’image de Dieu – se sépare de notre corps, qui retourne à la terre. Aujourd’hui, on dispose de nombreux récits d’« expériences de mort imminente » qui témoignent de ce détachement charnel et d’un chemin de lumière où nous retrouvons proches et inconnus.
Ce n’est pas la fin mais la route vers un premier face-à-face intime avec le Seigneur. Le Catéchisme l’appelle le « jugement particulier » : Dieu nous regarde avec amour et vérité, scrutant en nous les reflets de sa grâce. Il ne s’agit pas d’imaginer ce jugement comme un tribunal, mais comme un instantané de notre éclat.
Pour ceux dont la foi et les œuvres sont rayonnantes, il s’agira d’un accueil chaleureux : « Heureux les cœurs purs, car ils verront Dieu ». Pour d’autres, à mesure qu’ils ont alourdi leur cœur comme la pierre, ce sera une rencontre tiède, froide voire glaciale. Mais même là, la justice de Dieu est miséricordieuse : il n’y a pas de surprise, car toute notre vie était une préparation à cette rencontre.
Deuxième pas : les états qui nous attendent
Après ce « constat d’éclat », l’âme entre dans ce que l’on appelle les « états intermédiaires ». Le Catéchisme les décrit simplement : le ciel, le purgatoire ou l’enfer.
Le ciel, c’est la pleine communion avec Dieu, la joie débordante des noces divines. C’est la fête éternelle de la Toussaint, où nos saints, connus ou anonymes, célèbrent l’amour éternel en présence des anges.
Plus de chrétiens peinent à comprendre l’à-propos du purgatoire. Pourtant, au-delà de notre mort, la souffrance que nous avons répandue continue d’agir hélas, alors qu’il ne nous est plus possible d’aller nous réconcilier. Seul Dieu, à travers l’Église, peut désormais réparer le mal que nous avons semé et guérir les cœurs que nous avons laissés meurtris. On comprend ainsi l’offrande de messes, qui est un moyen d’offrir une charité post-mortem, diffuse mais réelle, au nom d’un défunt. Le temps du purgatoire est le temps qu’il faudra à Dieu pour consoler les âmes que nous avons laissées blessées.
L’enfer, enfin, est la séparation définitive de Dieu pour qui choisit en conscience de refuser son amour. Il est, en creux, le signe de l’absolue liberté que Dieu nous donne de l’aimer ou de le renier.
Ces états nous rappellent que la mort n’efface pas nos liens, tant avec le ciel qu’avec la terre, sauf à décider nous-mêmes de les rompre, indifférents à la souffrance que nous laissons.
Troisième pas : le retour glorieux du Christ
Avançons vers la fin des temps. Un jour, connu de Dieu seul, le Christ reviendra pour vaincre définitivement le mal, la souffrance et la mort – c’est la Parousie, son second avènement dont parle l’Apocalypse. « Apocalypse », vous le savez, ne signifie pas « déferlement de cataclysmes », comme trop de films le dépeignent, mais « révélation », dévoilement final de Dieu. L’apocalypse, c’est le triomphe accompli de l’amour de Dieu.
Quatrième pas : la résurrection de nos corps
À cette fin des temps, Dieu ne laissera pas nos corps à l’état de poussière. Comme Jésus est ressuscité avec un corps glorieux, ainsi nous serons transformés : nos corps, anciennement marqués par la souffrance, deviendront immortels, spirituels, rayonnants d’une beauté divine. Pour les justes, ce sera un corps de lumière ; pour les damnés, un corps de souffrance.
Écoutons l’Évangile de Jean pour les défunts : « Tous ceux que me donne le Père viendront jusqu’à moi ; et celui qui vient à moi, je ne vais pas le jeter dehors. » Et plus fort encore : « Je le ressusciterai au dernier jour. » Pensons à nos défunts : ils n’ont pas disparu. Leur âme est déjà entre les mains de Dieu, et un jour, leur corps sera relevé pour une vie nouvelle. C’est l’espérance qui nous fait prier au cimetière : non pour des ombres, mais pour des vivants en attente de plénitude.
Cinquième pas : le jugement dernier
Puis viendra le jugement dernier, public et solennel. Ce n’est pas un nouveau procès, mais la révélation de la justice de Dieu à toute l’humanité. Chaque vie, chaque souffrance, chaque acte de bonté sera vu à la lumière de l’éternité. C’est le moment où le bien et le mal seront séparés pour toujours.
Sixième pas : la nouvelle création
Enfin, la fin des temps culmine dans une merveille : un nouveau ciel et une nouvelle terre, un monde transformé, sans plus de mort, de pleur ou de douleur. Dieu essuiera toute larme, et nous vivrons en sa présence, corps et âme réunis, dans une intimité parfaite. Les Béatitudes y trouveront leur accomplissement : les affamés de justice seront rassasiés pour toujours ; les persécutés, couronnés de gloire. Et les damnés resteront séparés, enfermés dans leur liberté de renier Dieu.
La Toussaint nous invite à regarder la mort en face, non avec effroi, mais avec la joie des saints et la tendresse pour nos défunts. Prions pour eux, comme ils prient pour nous. Aspirons à la sainteté, à la joie divine de toute rencontre. Que la Vierge Marie, Reine du ciel, nous guide. Et qu’en ce jour, nos cœurs s’ouvrent à l’espérance : la mort n’est qu’un passage, et au bout, la vie éternelle nous attend.
— Fr. Laurent Mathelot OP
