Homélies et commentaires par fr. Laurent Mathelot OP

Résurgences

32ème dimanche – Année C – 6 novembre 2022 – Évangile de Luc 20, 27-38

Évangile de Luc 20, 27-38

Le Dieu des vivants

Nous venons de lire l’histoire de la persécution d’Antiochos, où les sept fils endurent les plus horribles tortures plutôt que de renoncer à leur foi en Dieu. Ils croient tellement en la Résurrection qu’ils préfèrent mourir. Déjà ceci pose quelques questions : croyons-nous en Dieu au point d’accepter la mort et la souffrance ? Je ne sais pas si pour vous c’est une terrible nouvelle mais … un jour nous mourrons.

Et la souffrance, c’est déjà la mort. C’est d’ailleurs pour cela que Jésus dit, dans l’Évangile de Matthieu (5, 21-22) : « Vous avez appris qu’il a été dit aux anciens : Tu ne commettras pas de meurtre, et si quelqu’un commet un meurtre, il devra passer en jugement. Eh bien ! moi, je vous dis : Tout homme qui se met en colère contre son frère devra passer en jugement. » … parce qu’il a déjà commis un meurtre !

Se mettre en colère, haïr quelqu’un c’est toujours lui imposer une souffrance et c’est déjà commencer à le tuer. Et nous le savons bien car chaque fois que quelqu’un nous a insultés ou méprisés, chaque fois que nous avons été rejetés ou mal aimés : nous en avons souffert, parfois terriblement au point d’avoir l’impression de dépérir. Peut-être, hélas, l’avez-vous déjà ressenti : le manque d’amour fait mal, terriblement mal, au point que chaque fois que nous y sommes confrontés, il y a quelque chose en nous qui meurt – une innocence qui disparaît. C’est souvent douloureux, très douloureux d’être méprisés.

Pourtant, tout au long de l’Évangile, on nous raconte les guérisons réalisées par Jésus, que ce soient des guérisons physiques (le paralytique, le lépreux, etc.) ou spirituelles (on parle de chasser les démons dans le Nouveau Testament mais aujourd’hui on parlerait de troubles psychiques, de dépression, de mort sociale, …). On nous raconte aussi des histoires de résurrections (Lazarre, la fille de Jaïre, etc.). Enfin Jésus, lui-même ressuscite d’entre les morts. C’est ça que nous croyons ; voilà notre foi.

Il n’est pas sûr que nous échappions à la méchanceté des gens. S. Paul le dit lui-même : « Priez pour que nous échappions aux gens pervers et mauvais, car tout le monde n’a pas la foi. ». Et peut-être que nous sommes même convaincus qu’il faudra encore souffrir ; qu’il y aura encore des manques d’amour et des blessures, des colères et même de la haine. Pire encore, certains ici ont peut-être des difficultés à s’engager véritablement dans une relation affective : par peur de devoir encore souffrir, de voir encore une histoire d’amour mourir et nous, de mourir un peu avec elle.

Jésus est là pour nous sauver. De toutes nos blessures, de tous nos démons : Jésus est là pour nous sauver. C’est vrai que nous n’échapperons pas à la souffrance et à la mort : lui-même a souffert et est mort sur une croix, crucifié du manque d’amour.

Notre foi n’est pas un rempart contre la souffrance ; notre foi est un pont qui va au-delà de la souffrance, au-delà de la mort. Nous ne croyons pas que ce monde va devenir un monde facile, où tout le monde est subitement beau et gentil ; nous croyons simplement que les morts ressuscitent. Et c’est cette foi qui nous donne la force de vivre au-delà du mal que l’on nous fait. La souffrance ne disparaîtra pas de votre vie sur cette terre ; mais la promesse du Christ c’est qu’il a un amour qui, toujours, nous emmènera vivants au-delà.

La résurrection des morts est sans doute quelque chose de difficile à comprendre. Mais nous pouvons nous en approcher en regardant toutes ces fois, dans notre vie, où nous avons été méprisés, insultés, mal aimés ou même cruellement blessés et que nous avons su nous en relever. Avez-vous des blessures guéries ? Avez-vous déjà réussi à pardonner de cruels manques d’amour ? Ce sont des résurrections ! Déjà, au quotidien, si vous avez réussi à passer l’éponge sur des petites injustices, à pardonner quelques petites méchancetés de la part de ceux que vous aimez, vous avez vécu quelque chose de la Résurrection des morts. Vous avez réussi à maintenir un amour vivant, au-delà d’une souffrance.

Sur la Croix, à propos de ceux qui le tuent, Jésus dit « Père, pardonne-leur ; ils ne savent pas ce qu’ils font ». La Résurrection commence toujours ainsi, par le pardon. Pardonner, c’est être capable de donner de l’amour au-delà de l’offense. Pardonner c’est vivre d’un amour si grand, qu’il voit au-delà de tous ces manques d’amour qui nous blessent et nous tuent petit-à-petit.

Ça ne veut pas dire que c’est facile. Ça fait terriblement mal d’être quitté, abandonné par quelqu’un qu’on aime. C’est même très douloureux quand une relation affective, amicale ou amoureuse semble brisée. Et trouver le moyen de pardonner, d’aimer encore malgré la souffrance que l’on ressent, nous semble parfois impossible. La rupture fait si mal …

Mais, avec le Christ, nous pouvons penser que celle ou celui qui nous blesse ne se rend pas véritablement compte de tout le mal qu’il nous fait. Et déjà penser ainsi, c’est commencer à pardonner.

Notre foi en la Résurrection des morts c’est de dire qu’il est toujours possible d’aimer au-delà de la souffrance, même si c’est difficile. Au moins, on peut prier pour que Dieu nous donne la force d’y arriver. C’est ce que fait Paul à la fin de l’extrait que nous venons de lire quand il dit : « Que le Seigneur conduise vos cœurs dans l’amour de Dieu et l’endurance du Christ. » C’est en effet de notre proximité avec Dieu que nous viendra cette endurance de l’amour qui permet de pardonner et de continuer à vivre au-delà des blessures.

Il y a une vie après la mort ; il y a une vie après toutes nos petites morts, il y a un amour possible après toutes nos blessures et nos souffrances. Je vous en prie, croyez-le. Croyez que la force d’amour de Dieu se communique ; qu’elle permet de surmonter tous les chagrins et les douleurs ; qu’elle surpasse toutes nos blessures ; qu’elle nous permet de rester toujours vivants et debout, même quand on nous agresse.

« Le Dieu d’Abraham, Dieu d’Isaac, Dieu de Jacob n’est pas le Dieu des morts, mais des vivants. »

— Fr. Laurent Mathelot OP

— Fr. Laurent Mathelot, dominicain.


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